Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Il fut un jour à Gorée

Il fut un jour à Gorée

Titel: Il fut un jour à Gorée
Autoren: Joseph N’Diaye
Vom Netzwerk:
pouvoir accueillir en son ventre tous les peuples de l’Afrique.
    Pas facile de se hisser à bord en grimpant sur une échelle de corde qui se balance au gré du mouvement des vagues. Mais il faut monter sous les cris et les coups de fouet.
    Les enfants sont placés dans les cales avant et le roulis régulier fait bientôt comprendre à Ndioba que le navire a quitté les rives de son Afrique.
    C’est là, sur le pont, un matin où l’on fait respirer aux enfants l’air pur de la brise marine, que Ndioba retrouve sa maman. Elle a eu le droit de sortir quelques instants des cales avec les autres femmes… La fillette se jette dans ses bras. La chaleur de maman la rassure un peu. Où sont papa et son frère ? Ont-ils rejoint les esprits des ancêtres et connaissent-ils maintenant les savanes apaisantes où dansent les génies aux masques colorés ?
     
    **
    *
     
    Pour les esclaves, Gorée n’était que la première étape vers une lente déshumanisation. Marqués au fer rouge du signe de leur propriétaire, ils s’embarquaient pour la grande traversée qui les éloignait à jamais de leur terre natale.
    Les enfants à qui je fais visiter la maison des Esclaves observent la plage non loin, la mer immense et calme. La tragédie ne s’arrêtait pas à Gorée, elle se poursuivait au-delà de l’horizon… Birago me pose des questions. Comment se déroulait le voyage ? Comment les négriers se comportaient-ils face à cette marchandise humaine ?
    À bord du navire qui hissait déjà ses grand-voiles, le maître d’équipage avait déployé son attirail : chaînes, menottes et colliers. Les charpentiers avaient fermé les écoutilles par des cadenas et des barres de fer. Cinq cents ou six cents captifs venaient s’entasser dans les cales. À travers les planches, de misérables rais de lumière ne parvenaient pas à percer l’obscurité.
    Au moment de descendre dans ce trou noir, certains prisonniers refusaient leur terrible destin et préféraient se jeter à l’eau… Ce n’était pas une tentative de fuite. Ils n’espéraient plus rien. Simplement, ils choisissaient la mort plutôt que le servage.
    « Les Nègres sont si opiniâtres et si malheureux de quitter leur pays qu’ils sautent souvent des canots et des navires dans la mer, se maintenant sous l’eau jusqu’à ce qu’ils soient noyés, afin de ne pas être repris », a raconté un certain capitaine Phillips, maître d’un bateau négrier.
     
    À bord, les privations et la promiscuité faisaient des ravages. Certains se blessaient aux bois et aux fers. Les plaies mal soignées – ou pas soignées du tout – s’infectaient, provoquant des ulcères qui entraînaient irrémédiablement la mort. Et puis il y avait la chaleur de l’équateur : les cales étaient de véritables fournaises. Assoiffés, étouffés, épuisés, les malheureux prisonniers cherchaient un peu d’air entre les planches mal jointes.
    Au matin, quand les matelots du pont ouvraient les panneaux qui donnaient sur les entrailles du bateau, une vapeur chaude à l’affreuse puanteur montait vers le ciel. L’air vicié, les odeurs de sang, d’excréments, de sueur et de cadavres se mêlaient en un nuage épais.
    Olaudah Equiano, arraché à l’Afrique à l’âge de dix ans, publia un livre en 1755. Il raconte sa découverte du bateau…
    « Je fus bientôt envoyé à fond de cale et j’y fus accueilli par une puanteur que je n’avais jamais sentie auparavant. Cette odeur infecte et mes larmes me rendirent si malade et si abattu que je ne pus rien manger… Je n’espérais qu’une chose : être soulagé par ma dernière amie, la mort. »
    Pour éviter la vermine et les maladies, les captifs étaient entièrement nus et le crâne rasé. Les femmes, elles, avaient droit à un pagne de mauvais tissu. Pas de couverture, pas de paillasse, tous devaient s’étendre à même les planches. « Sans autre matelas que leur graisse », a témoigné un négrier.
    Pour gagner de la place et entasser le plus grand nombre possible de prisonniers, on les rangeait « comme des cuillers », selon les termes adoptés à l’époque. Cela voulait dire qu’ils étaient allongés, les uns s’emboîtant dans les autres. Et pas moyen de se lever : la hauteur des cales ne dépassait pas un mètre quinze, parfois moins encore. Ils étaient ainsi couchés sur deux files et dans les espaces vides, entre leurs pieds, d’autres Noirs étaient disposés perpendiculairement.
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher