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Il fut un jour à Gorée

Il fut un jour à Gorée

Titel: Il fut un jour à Gorée
Autoren: Joseph N’Diaye
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d’extrême justesse. »
    Pour nourrir la cargaison, il fallait arriver à résoudre ce problème insoluble : dépenser le moins d’argent possible, mais s’assurer en même temps que les esclaves resteraient vaillants. Alors, deux fois par jour, on leur distribuait une soupe faite de riz, de maïs, de manioc et de fèves.
    Deux fois par semaine, si le temps le permettait, on faisait monter la cargaison humaine sur le pont. Les hommes enchaînés et les femmes et enfants laissés libres étaient lavés à grande eau. Puis, on les obligeait à danser pour les forcer à prendre un peu d’exercice. D’ailleurs, il y avait toujours à bord un marin qui savait jouer de la vielle, de la musette ou du violon. Les négriers étaient persuadés que la danse, même obligatoire, rendrait aux Noirs un peu de leur joie de vivre. Si l’un d’entre eux se refusait à entamer cette danse, le fouet s’abattait et le convainquait vite de se joindre aux autres. Pour les matelots, c’était un moment vraiment amusant. Il ne fallait surtout pas rater ce spectacle de sauvages sautillants !
     
    Birago m’interrompt. Il ne comprend pas que les Noirs ne se soient pas révoltés. Ils étaient si nombreux sur le bateau…
    Ils étaient plus nombreux que l’équipage, c’est vrai, mais ils étaient enchaînés et affamés. En plus, au moindre signe de désobéissance ou d’insoumission, les punitions s’abattaient sur eux. Plus cruelles les unes que les autres.
    Bien sûr, on ne tuait pas les esclaves pour le plaisir. Chaque mort représentait un investissement perdu. C’est-à-dire que l’argent que l’on avait consacré à son achat et à son entretien ne pourrait plus être récupéré par sa vente.
    Mais si on ne tuait pas les esclaves pour le plaisir, il fallait tout de même savoir sacrifier quelques éléments agitateurs pour obtenir le silence et la discipline. On n’est jamais trop prudent quand une quarantaine de Blancs se retrouve face à cinq cents Noirs asservis et humiliés, pensaient les négriers.
    Pourtant, ne crois pas que les esclaves se laissaient emmener sans résistance. Il y eut de nombreuses révoltes sur les bateaux. La chronique est pleine de ces tentatives désespérées pour recouvrer la liberté…
    Il y avait d’abord la révolte passive : le suicide ou la grève de la faim. En 1774, du pont arrière du
Soleil,
quatorze femmes se sont jetées ensemble dans la mer. Quant à ceux qui refusaient de manger, ils étaient fouettés. S’ils persévéraient dans leur obstination, on se saisissait des meneurs et on leur brisait les bras et les jambes. Les cris poussés par les malheureux persuadaient rapidement les autres de se remettre à s’alimenter.
    Il y eut aussi des révoltes plus violentes. Les armateurs n’ignoraient pas le danger et savaient que le moment le plus périlleux était celui où l’embarcation arrivait en haute mer… Quand les rives de l’Afrique s’estompaient, les esclaves étaient tentés de mener un coup de force qui les ramènerait sur leur terre. Le principe était toujours le même : les hommes, dans leur cale, fomentaient un complot, parvenaient à se libérer de leurs chaînes et faisaient irruption sur le pont, dans l’espoir de massacrer l’équipage…
    Généralement, ces tentatives étaient vouées à l’échec. Les Blancs se trouvaient fortement armés et abattaient un à un les révoltés, jusqu’à ce que la situation s’apaise. Ensuite, on punissait les survivants. Tout au moins, on faisait quelques exemples. On les fouettait ou, mieux encore, on leur faisait des entailles sur les fesses. Mais ce n’était pas la fin du calvaire… Les négriers connaissaient une recette particulière faite d’un mélange de poudre de canon, de jus de citron, de saumure et de piment, le tout soigneusement écrasé. Ils appliquaient cette mixture sur les blessures. Cet atroce procédé comportait deux avantages. D’une part il augmentait la douleur, rendant le châtiment plus terrifiant. D’autre part il empêchait l’infection des plaies.
    En 1738, les captifs de
l’Africain
se sont rebellés. Ils sont arrivés à se libérer de leurs fers et, au matin, ont surgi des cales armés de barres métalliques ! Ils sont parvenus à blesser le contremaître, un lieutenant, le capitaine en second et le capitaine lui-même. Le reste de l’équipage réussit cependant à se barricader dans la cabine des armes et à tirer par le hublot. Pendant ce temps, un officier
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