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Il fut un jour à Gorée

Il fut un jour à Gorée

Titel: Il fut un jour à Gorée
Autoren: Joseph N’Diaye
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exprimait franchement son racisme. Sur les Juifs, il écrivait des mots qui nous font horreur aujourd’hui : « Ils sont les ennemis du genre humain. » Il n’était pas plus tendre pour les Noirs : « La mesure même de leur intelligence met entre eux et les autres espèces d’hommes des différences prodigieuses. »
    De son côté, le philosophe Denis Diderot, qui rédigea avec d’autres grands esprits une
Encyclopédie
pour réunir toute la science et la sagesse de son temps, écrivait sous la lettre N comme Nègre : « Ces hommes noirs nés vigoureux et accoutumés à une nourriture grossière trouvent en Amérique des douceurs qui leur rendent la vie animale bien meilleure que dans leur pays. » Bref, c’était pour leur bien que l’on déportait les Africains et que l’on en faisait des esclaves !
     
    **
    *
     
    La maison des Esclaves de Gorée, lieu de mémoire, lieu d’émotion, lieu d’Histoire, s’offre à nous comme elle se présentait au voyageur il y a plus de deux cents ans. Elle est constituée de deux parties : un rez-de-chaussée où se cachait l’enfer pour les captifs, et un étage où la vie paraissait douce aux maîtres. Dans leur logement agréable, les négociants européens faisaient la fête, mangeaient bien, écoutaient de la musique, dansaient et conviaient de jeunes captives pour se divertir. Juste au-dessous, c’était l’horreur.
    En accompagnant des écoliers dans la découverte de cette maison, je me pose les questions essentielles qui font écho aux questions des enfants…
    Birago, ouvrant ses grands yeux étonnés, me demande comment l’esclavage a été inventé. Alors, je lui parle des temps bibliques. Les Hébreux possédaient des esclaves, mais ceux-ci devaient être libérés au bout de six ans et la Bible rappelle sans cesse aux fidèles : « Souviens-toi que tu as été esclave dans le pays d’Égypte », car la nation entière se disait descendante des esclaves du pharaon.
    Il y a plus de deux mille ans, la Grèce et l’Empire romain connaissaient également l’esclavage. On naissait esclave ou on le devenait après avoir été fait prisonnier au cours d’une guerre ou encore, plus simplement, quand on ne pouvait pas payer ses dettes. Mais ces esclaves de l’Antiquité subissaient rarement des brimades et des violences. Ils étaient même parfois les enseignants des enfants de la famille dans laquelle ils servaient.
    N’oublions pas, enfin, que l’esclavage sévissait aussi dans les grands royaumes noirs d’Afrique, bien avant l’arrivée des Blancs.
    Alors, si l’esclavage a existé partout et de tout temps, pourquoi se scandaliser plus particulièrement de la « traite négrière » ?
    Parce que l’esclavage pratiqué sur les Noirs par les nations d’Europe et d’Amérique entre le XV e et le XIX e siècle est d’une tout autre nature. Les Hébreux, les Grecs, les Romains ou les Africains ne refusaient jamais aux esclaves leur qualité d’êtres humains. Ils considéraient simplement le servage comme une forme de la condition terrestre, même si cette notion nous choque aujourd’hui. Il y avait les puissants, les riches, les paysans, les pauvres… et les esclaves. L’égalité n’avait pas encore été inventée, mais tous appartenaient au genre humain.
    En revanche, les Noirs raflés sur le continent africain n’étaient jamais considérés comme des humains. Parce qu’ils étaient nés avec une peau sombre, ils étaient presque unanimement considérés comme des animaux !
    Le philosophe français Montesquieu écrivait en 1748 dans son ouvrage
De l’esprit des lois
 : « Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens. »
    Les maîtres blancs estimaient qu’un « Nègre » – c’était le langage de l’époque – n’avait ni âme ni conscience. Il était seulement bon à travailler jusqu’à l’épuisement. Pourquoi alors ne pas le fouetter comme un cheval s’il travaillait trop lentement ? Pourquoi hésiter à l’exploiter jusqu’à ses dernières forces ? Pourquoi ne pas vendre ses enfants à un autre planteur si cela rapportait un bon prix ? La « traite négrière » avait cela de particulier qu’elle rejetait de la communauté humaine une partie des hommes. Et cela en vertu de la couleur de la peau. Plus on était noir et plus on était proche de
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