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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
Autoren: Marc Ferro
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montré que, dans le monde musulman, le souvenir de la grandeur passée est d’autant mieux conservé que l’Islam dispose d’une langue dominante unique, l’arabe, qui assure l’omniprésence du Coran, alors que « la mémoire et le savoir des Infidèles se dispersent entre plus de vingt-cinq langues ». Or, cette manière de juger l’autre se retrouve, plusieurs siècles après, chez les colonisateurs anglais en Inde, français en Afrique noire, ou russes au Caucase. De sorte que, lorsque, en 1798, à Alexandrie, puis en 1830, à Alger, le Chrétien réapparaît — pour le musulman, il est demeuré l’Infidèle, toujours méprisé et ignoré. Qu’il s’installe, dirige, colonise — voilà qui crée un traumatisme qui s’exprime avec une rare violence :
« Nous avons humilié des émirs plus puissants que toi. Ils se sont agenouillés devant nos lances, leurs femmes ont été nos tapis.
» Le galop de nos chevaux a fait tressaillir les montagnes de Jemanah.
» Nous avons planté nos tentes à Voutoulou et à Damas.
» Nous avons chassé de cette contrée, comme des hyènes, tous les ennemis qui nous harcelaient.
» J’ai vu ce qu’il y a eu hier, je sais tout ce qui arrivera demain. »
Chants de guerre et d’amour de l’Islam
    Ce ressentiment ne rend-il pas compte de la violence des événements qui vont suivre…
    Quant aux efforts d’exploration vers les Amériques — la deuxième route  —, leur nature n’est pas sans lien avec les précédents. En attestent les écrits de Christophe Colomb lui-même. Certes, il témoigne que l’or, ou plutôt sa recherche, est omniprésent au cours de son premier voyage. Le 15 octobre 1492, il écrit dans son Journal : « Je ne veux pas m’arrêter afin d’aller plus loin visiter beaucoup d’îles et découvrir de l’or. »
    Christophe Colomb ne compte pas seulement s’enrichir personnellement, lui et ses marins ; il veut enrichir aussi ses commanditaires, les rois d’Espagne, « afin qu’ils puissent comprendre l’importance de l’entreprise ». La richesse luiimporte donc d’abord parce qu’elle signifie la reconnaissance de son rôle de découvreur. Mais, plus encore, cette soif d’argent s’explique par une vocation religieuse qui n’est rien de moins que l’expansion du christianisme. Dans son Journal , à la date du 26 décembre 1492, il explique qu’« il espère trouver de l’or, en telle quantité que les rois puissent avant trois ans préparer et entreprendre d’aller conquérir la Sainte Maison » .
    La reconquête de Jérusalem, tel fut un des objectifs de Christophe Colomb, obsédé par l’idée de croisade. On pourrait observer qu’il en fut de même en ce qui concerne la troisième route , celle qui devait mener en Inde par l’Afrique intérieure, et dont on se demandait si elle existait vraiment. Comme l’ont montré les travaux de Geneviève Bouchon, atteindre l’Inde par le Royaume du Prêtre Jean avait pour but de s’allier à l’Éthiopie pour prendre l’Empire des Maures de revers. La reine Eléni jugeait, elle aussi, qu’il fallait desserrer l’étreinte de l’Islam qui contrôlait toutes les issues de son royaume vers la mer Rouge et l’océan Indien. Les préoccupations politiques de la souveraine rejoignaient les soucis religieux du métropolite copte, dont la nomination était sous le contrôle des Égyptiens ; il voulait se rapprocher de Rome. Ainsi fut décidée cette ambassade de Mateus, métropolite de l’Église d’Éthiopie, qui, depuis l’Éthiopie, via l’Inde, devait rejoindre Lisbonne.
    Mateus put rejoindre Albuquerque en Inde ; celui-ci saisit tout l’intérêt de l’entreprise mais le caractère illusoire, aussi, des rapports que le Négus pourrait établir avec le roi du Portugal. Le récit du départ de Mateus d’Éthiopie, dans le secret, témoigne de l’ubiquité des agents de l’Égypte et de la crainte que les Éthiopiens avaient des Arabes. Selon le récit rapporté par Damiao de Gois, la reine Eléni donna à Mateus et à son jeune compagnon Ya’qob des lettres de recommandation pour le barnagas (cf. Geneviève Bouchon), vice-roi de la province maritime, « afin qu’il les aide aussi secrètement que possible en tout ce qui serait nécessaire, feignant qu’ils fussent des marchands qui venaient à lui pour ses affaires à elle ». « Mateus agit pendant un certain temps ( aliquamdiu ) entoute liberté, ne confiant jamais ses projets à
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