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HHhH

HHhH

Titel: HHhH
Autoren: Laurent Binet
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dissuadé de poursuivre l’opération. De toute
façon, vu que j’ai un niveau de classe de 5 e en allemand (bien que
j’en aie fait huit ans à l’école), l’investissement était aléatoire.
    Je dois donc me passer de ce
document capital. Or, j’en arrive déjà au stade de l’histoire où il me faut
rapporter la rencontre d’Heydrich avec sa femme. Nul doute que, ici plus que
pour aucun autre passage, le rarissime et onéreux ouvrage m’aurait été d’un
grand secours.
    Quand je dis : « il
me faut », je ne veux pas dire, bien sûr, que c’est absolument nécessaire.
Je pourrais très bien raconter toute l’opération « Anthropoïde » sans
mentionner une seule fois le nom de Lina Heydrich. D’un autre côté, si je campe
le personnage d’Heydrich, comme je semble très désireux de le faire, il m’est
difficile d’occulter le rôle joué par son épouse dans son ascension au sein de
l’Allemagne nazie.
    En même temps, je ne suis pas
forcément mécontent d’éviter la version romantique de leur idylle, que M me  Heydrich
n’aura pas manqué de livrer dans ses Mémoires. J’évite ainsi la tentation d’une
scène à l’eau de rose. Non pas que je refuse de considérer les aspects humains
d’un être tel qu’Heydrich. Je ne suis pas de ceux qui se sont offusqués du film La Chute parce que l’on y voit (entre autres) un Hitler aimable avec ses
secrétaires et affectueux avec son chien. Je suppose naturellement qu’Hitler
pouvait, de temps en temps, être aimable. Je ne doute pas non plus, si j’en
juge par les fac-similés des lettres qu’il lui adressait, qu’Heydrich soit
tombé sincèrement amoureux de sa femme lorsqu’il l’a rencontrée. À l’époque,
c’était une jeune fille au sourire avenant, qui pouvait même passer pour jolie,
loin de la marâtre au visage dur qu’elle allait devenir.
    Mais leur rencontre, telle
qu’elle est relatée par un biographe qui se fonde manifestement sur les
souvenirs de Lina, est vraiment trop kitsch : pendant un bal où elle
redoute de s’ennuyer toute la soirée parce qu’il n’y a pas assez de garçons,
elle et sa copine se font aborder par un officier aux cheveux noirs, accompagné
d’un blondinet timide. Coup de foudre pour le timide. Rendez-vous deux jours plus
tard au parc Hohenzollern de Kiel (très joli, j’ai vu les photos), promenade
romantique au bord d’un petit lac. Théâtre le lendemain, puis chambrette où,
j’imagine, ils couchent ensemble, bien que le biographe reste très pudique sur
ce point : la version officielle est qu’Heydrich débarque dans son plus
bel uniforme, ils vont boire un coup après la pièce, restent silencieux devant
leur verre et soudain, sans crier gare, Heydrich la demande en mariage. «  Mein
Gott , Herr Heydrich, vous ne savez rien sur moi ni sur ma famille !
Vous ne savez même pas qui est mon père ! La marine ne laisse pas ses
officiers épouser n’importe qui. » Mais comme il est précisé par ailleurs
que Lina avait récupéré les clés d’une chambre, je suppose qu’avant ou après la
demande, ce soir-là, ils ont consommé. Il se trouve que Lina von Osten, issue
d’une famille d’aristocrates quelque peu déclassés, est un parti très
convenable. Donc, ils se sont mariés.
    Cette histoire en vaut une
autre. Je n’avais juste pas envie de faire la scène du bal, et encore moins la
promenade dans le parc. Il était donc préférable que je n’aie pas eu
connaissance de plus de détails ; comme ça, je n’ai pas été tenté de les
raconter. Quand je tombe sur des éléments qui me permettent de reconstituer
minutieusement une scène entière de la vie d’Heydrich, il m’est souvent
difficile d’y renoncer, même si la scène en soi ne me semble pas d’un intérêt
bouleversant. Or, je suppose que les Mémoires de Lina sont remplis d’histoires
de ce genre.
    Finalement, je vais peut-être
pouvoir me passer de ce bouquin hors de prix.
    Malgré tout, il y a quand même
quelque chose qui m’a intrigué dans la rencontre des deux tourtereaux :
l’officier brun qu’accompagnait Heydrich s’appelait von Manstein. Je me suis
d’abord demandé si c’était le même Manstein qui serait à l’origine de
l’offensive des Ardennes pendant la campagne française, qu’on retrouverait
général d’armée sur le front russe, à Leningrad, Stalingrad, Koursk, et qui
dirigerait l’opération « Citadelle » en 1943, lorsqu’il s’agirait
pour la Wehrmacht
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