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HHhH

HHhH

Titel: HHhH
Autoren: Laurent Binet
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Canaris, durant lesquelles il
écoute les histoires de son chef qui ne laissent pas de l’impressionner.
« L’espionnage ! » se dit-il. Et il rêvasse, sans doute.
23
    Heydrich est un fringant
officier de la Kriegsmarine et un redoutable escrimeur. Sa réputation de
bretteur dans les différents tournois lui vaut le respect de ses camarades, à
défaut de leur amitié.
    Dresde, cette année-là,
organise un tournoi pour les officiers allemands. Heydrich concourt au sabre,
l’arme la plus brutale, sa spécialité. Le sabre, contrairement au fleuret, qui
touche uniquement avec la pointe, se frappe d’estoc, mais surtout de taille,
avec le tranchant, et les coups portés comme des coups de fouet sont infiniment
plus violents. L’engagement physique des sabreurs est également plus spectaculaire.
Tout cela sied parfaitement au jeune Reinhardt. Ce jour-là, pourtant, on le
voit malmené au premier tour. Qui est son adversaire ? Mes recherches ne
m’ont pas permis de le savoir. J’imagine un gaucher, rapide, malin, brun,
peut-être pas juif quand même, ça ferait beaucoup, ou alors un quart. Un joueur
pas impressionnable, qui se dérobe, refuse le combat, multiplie les feintes de
corps qui sont autant de petites provocations. Pourtant Heydrich est largement
favori. Alors il s’énerve de plus en plus, ses frappes manquent l’homme et se
perdent dans l’air, il parvient toutefois à revenir au score. Mais sur l’ultime
touche, à bout de nerfs, il tombe dans le piège tendu, s’engage trop
vigoureusement, et encaisse une parade-riposte qui le touche à la tête. Il sent
la lame de l’autre claquer sur son casque. Il est éliminé au premier tour. De
rage, il fracasse son sabre sur le sol. Les commissaires lui infligent un
blâme.
24
    Le 1 er  mai, en
Allemagne comme en France, c’est la fête du travail, dont l’origine remonte à
une lointaine décision de la II e  Internationale prise en
hommage à une grande grève ouvrière qui eut lieu un 1 er  mai à
Chicago en 1886. Mais c’est aussi l’anniversaire d’un événement dont
l’importance n’a pu être mesurée sur le coup, dont pourtant les conséquences
auront été incalculables et qu’il n’est évidemment question de fêter dans aucun
pays : le 1 er  mai 1925, Hitler créait un corps d’élite
originellement destiné à assurer sa sécurité, une garde rapprochée constituée
de fanatiques surentraînés répondant à des critères raciaux extrêmement
stricts. C’est l ’échelon de protection , la Schutz Staffel ,
autrement dit la SS .
    En 1929, cette garde spéciale
se transforme en véritable milice, organisation paramilitaire confiée aux bons
soins d’Himmler. Après la conquête du pouvoir en 33, celui-ci déclare, lors
d’une allocution à Munich :
    « Chaque Etat a besoin
d’une élite. L’élite de l’Etat national-socialiste, c’est la SS. Elle est le
lieu où se perpétuent, sur la base de la sélection raciale, conjuguée aux
exigences du temps présent, la tradition militaire allemande, la dignité et la
noblesse allemande et l’efficacité de l’industriel allemand. »
25
    Je ne me suis toujours pas
procuré le livre écrit après la guerre par la femme d’Heydrich, Leben mit
einem Kriegsverbrecher (« Vivre avec un criminel de guerre », en
français, sauf que l’ouvrage n’a jamais été traduit, ni en français ni en
anglais). J’imagine que ce livre serait une mine d’informations pour moi, mais
je n’arrive pas à mettre la main dessus. C’est, semble-t-il, un ouvrage
extrêmement rare, dont le prix, sur Internet, est compris en général entre 350
et 700 euros. Je suppose que les néo-nazis allemands, fascinés par Heydrich, un
nazi tel qu’ils n’auraient jamais osé en rêver, sont responsables de cette cote
exorbitante. Je l’ai trouvé une fois à 250 euros, et j’ai voulu faire la folie
de le commander. Fort heureusement pour mon budget, la librairie allemande qui
l’avait mis en vente n’acceptait pas les paiements par carte. Il fallait, si je
voulais recevoir le précieux volume, ordonner à ma banque de faire un virement
sur un compte en Allemagne. Il y avait toute une interminable série de nombres
et de lettres, et l’opération ne pouvait pas se faire directement par Internet,
il fallait que je me déplace jusqu’à mon agence bancaire. Cette seule
perspective, avec tout ce qu’elle implique de profondément déprimant pour
n’importe quel individu moyen, m’a
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