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Hergé écrivain

Hergé écrivain

Titel: Hergé écrivain
Autoren: Jan Baetens
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domestiquer un
graphisme à l’origine très mouvementé et incertain, ses imitateurs
se sont servis de cet outil pour fixer encore davantage une image
déjà immobile.
    6 Pour plus de détails sur cette acception particulière de la notion
de texte, voir les « Éléments de textique » de Jean Ricardou, publiés
dans la revue Conséquences , du n˚ 10 (1987) au n˚ 15-16 (1991).
    7 Buena Vista Park , P.O. L, 1980, p. 60.
    8 Michel Serres, « Les bijoux distraits ou la cantatrice sauve », in Hermès 2. L’interférence , Minuit, 1972 ; Jean-Michel Adam, « Les
Bijoux de la Castafiore », in Linguistique et discours littéraire , Larousse,
1976 ; Pierre Fresnault-Deruelle, « La mythologie blanche », in La
Chambre à bulles , UGE, 10/18, 1978. À cette série d’articles, il
convient d’ajouter au moins les ouvrages suivants : Pierre Fresnault-Deruelle, Hergé ou le Secret de l’image : essai sur l’univers graphique de
Tintin, Bruxelles, Moulinsart, 1999, et, du même auteur, Hergé ou la
Profondeur des images plates , Bruxelles, Moulinsart, 2002, et Pierre
Sterckx, Tintin et les Médias , Modave, Le Hêtre pourpre, 1977.
    9 Les Métamorphoses de Tintin , Paris, Seghers, 1984.
    10 Cf. entre autres Tintin et le Mythe du surenfant , Bruxelles, Moulinsart, 2003.
    11 Les Bijoux ravis , Bruxelles, Magic Strip, 1984.
    12 Les Métamorphoses de Tintin , op. cit. , p. 291.
    13 Tintin et le Mythe du surenfant , op. cit. , p. 7.

 
    Chapitre 1
     
    Tintin et les langues étrangères
     
    1. Le français et les langues imaginaires
     
    Dans quelle langue écrit Hergé ? La question serait
insolente si le français, dans ces aventures cosmopolites,
ne se trouvait aussi souvent cerné par les discours
d’autrui : langues réelles comme le chinois ou l’italien,
l’anglais ou l’arabe, langues imaginaires aussi, tels le syldave ou l’arumbaya, tous deux dérivés du marollien, le
patois franco-flamand parlé naguère à Bruxelles.
    Quelle est la place de ces parlers dans la stratégie
hergéenne ? S’agit-il d’un redoublement, sur le plan linguistique, du souci documentaire affiché de plus en plus
spectaculairement au niveau du dessin ? Est-ce que la présence de ces langues conforte et accentue le réalisme du
trait ? Rien n’est moins sûr. Que l’étranger continue à parler
sa langue, voilà qui semble « normal » : l’étrangeté ne serait
pas trop dépaysante pour le lecteur de bandes dessinées, elle
cautionne même la véracité recherchée sur le plan iconique.
Mais par l’usage qu’il fait de cette technique de présentation, Hergé en déconstruit, plus ou moins subrepticement,
les effets véristes en soi incontestables.
    C’est que dans les Aventures de Tintin la parole étrangère a beau avoir une présence massive, elle n’en est pas
moins domestiquée, soit que le français la relaie, soit que,
plus brutalement, il s’impose à elle.
    Dans le premier cas (qui ne concerne en fait que les
premiers albums), le français supplante rapidement les
langues des pays parfois lointains où se déroule l’action, et
cela en dépit de toute ambition réaliste. Exemple limite,
le traitement des inscriptions fictionnelles de L’Oreille
cassée , toutes rédigées en français, de l’avis de mobilisation
et des pancartes brandies dans les manifestations à l’entête des lettres officielles et à la légende des statues. Cet
effacement naïf de la parole d’autrui va pourtant vite
cesser, Le Lotus bleu marquant, ici encore, une rupture
décisive, sans que soient résolues pour autant les questions du vraisemblable. Car le recours conséquent à la
langue étrangère ne tarderait pas à entraver la communication, non seulement avec le lecteur, mais aussi entre les
héros et leurs interlocuteurs étrangers. S’il n’est pas exclu
en effet que Tintin ait quelques connaissances d’anglais
ou d’espagnol, comment pourrait-il comprendre les habitants du Khemed ou les Bordures, et se faire comprendre
d’eux ?
    Dans quelques cas, le passage par le bilinguisme offrira
une issue : la traduction d’un écrit étranger peut être
donnée en regard (ainsi l’avis de recherche de Tintin, aussi
bien dans Le Lotus bleu , p. 27, que dans Coke en stock ,
p. 23), mais il arrive aussi que la compréhension d’un
nom ou d’un mot inconnus soit retardée pour s’égrener
tout au long de l’album (comme dans Les Bijoux de la Castafiore où les équivalents français de quelques
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