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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre
Autoren: Nicolas Remin
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Altesse royale veut exposer le tableau ?
    Elle secoua la tête.
    — Non, l’emmener en voyage.
    Elle prit la lampe à pétrole posée sur le prie-Dieu et se tourna vers la sortie.
    — Vous allez d’ailleurs m’accompagner. Je souhaite rendre visite à l’une de vos vieilles connaissances.
    — Une vieille connaissance ?
    Elle sourit.
    — Oui, M. Kostolany.
    Les sourcils d’Orlov s’envolèrent d’un coup.
    — Vous voulez dire que nous partons…
    Elle termina la phrase à sa place.
    — … pour Venise.

1
    Il descendit les marches du ponte dei Pugni à pas lents, veillant à ne pas trébucher dans le noir. Arrivé au pied de l’escalier, il prit à gauche et traversa le campo San Barnaba avec nonchalance, tel un homme qui se promène sans but, un homme d’âge moyen, bien habillé mais pas trop, un étranger peut-être, descendu dans l’un des nombreux hôtels du quartier Saint-Marc, qui rentre sans hâte d’une excursion de l’autre côté du Grand Canal.
    Il s’arrêta juste devant le passage reliant la place au rio Malpaga, essuya son pince-nez et ôta son haut-de-forme. Ensuite, il remit de l’ordre dans ses cheveux avec un soin quelque peu exagéré tout en observant les environs à la dérobée. Comme on pouvait s’y attendre, il n’y avait pas grand-chose à voir. Un maigre rayon de lumière s’échappait de la petite trattoria en face de San Barnaba et se reflétait dans les pavés encore mouillés par la pluie. Des voix étouffées se firent entendre, puis le rire d’une femme. Un homme vêtu d’une cape ou d’une pèlerine s’avança vers lui dans le noir, mais finit par tourner dans la calle del Traghetto. Pendant un moment, la lanterne fixée sur le mur de l’église, au-dessous d’une statuette de la Vierge, jeta une lumière blafarde derrière lui. Il était invraisemblable qu’il rencontre une personne de sa connaissance, pensa-t-il en s’apprêtant à s’engager dans le passage obscur. D’ailleurs, l’ensemble des événements à venir dans la prochaine demi-heure lui semblait invraisemblable.
    Il traversa le ponte Lombardo et, au bout de quelques mètres, prit à droite la calle dei Cerchieri, une impasse d’un pas et demi de large à peine, débouchant sur le Grand Canal. L’obscurité la plus complète régnait dans la ruelle, mais il avait rendu deux fois visite au palais da Lezze et son sens de l’orientation avait toujours été phénoménal. Il se souvenait encore que le pavé s’affaissait légèrement au bout de trente pas. La façade du palais commençait juste derrière. Dix pas plus loin, un passage donnait sur une double cour. Une fois dans la seconde, il tirerait sur la barre en métal pour actionner la cloche et demanderait à être reçu d’un air désolé. Le reste s’enchaînerait de lui-même. Il disposait d’une heure pour régler cette affaire. C’était plus que suffisant.
    En mettant la main dans la poche de sa redingote, il sentit entre ses doigts le lacet en cuir muni d’un bâtonnet à chaque extrémité pour éviter qu’il ne glisse au moment où il serrerait. Cette maladresse ne devait en aucun cas survenir. Sinon sa victime risquait de crier et il lui faudrait alors faire usage du rasoir qu’il avait glissé dans l’autre poche pour parer à toute éventualité.
    Il leva les yeux et constata qu’il était allé trop loin ; la surface du Grand Canal brillait déjà devant lui. Ici, il faisait moins noir. Une brise venant de l’est chassait des lambeaux de nuage éclairés par la lune. L’espace d’un instant, le mouvement dans le ciel lui donna l’impression que les palais de l’autre côté de l’eau se déplaçaient dans sa direction. Il imagina les façades foncer soudain vers lui, engloutir les astres et s’abattre sur sa tête comme le couvercle d’un cercueil.
    Au fond, songea-t-il dans un soupir, il détestait la violence. Elle avait un caractère affreusement primitif. Pourtant, parfois, il n’y avait pas moyen de l’éviter… surtout quand on était soi-même dos au mur.
     
    La porte s’ouvrit dès le premier tintement de cloche. Cette rapidité lui épargna d’attendre dans la cour où un voisin aurait pu le remarquer. Comme prévu, le maître de maison était seul et répondit en personne. Dans la lumière de la lampe à pétrole accrochée au plafond, la couleur de son visage rappelait le gris jaunâtre de vieux rideaux. L’intrus en éprouva presque de la pitié.
    — Euh… Je peux entrer ?
    Il avait
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