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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre
Autoren: Nicolas Remin
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envergure, Maria ! C’est déjà un événement qu’elle joue en public après une interruption de quatre ans. Rien que pour cela, notre bal va faire parler de lui. Il restera toujours bien assez d’attention pour le cristal, crois-moi.
    Il s’efforça de prendre un visage lourd de reproches.
    — Depuis deux mois, je me suis rendu au palais Mocenigo une fois par semaine pour cette affaire.
    Un léger soupir lui échappa.
    — Tu n’imagines pas à quel point ces Polonaises sont capricieuses.
    Potocki était en effet très capricieuse et, de fait, elle commençait vraiment à lui taper sur les nerfs. Mais il ne l’aurait jamais avoué car il avait aussitôt perçu là une occasion unique de semer une pointe de jalousie dans le cœur de la princesse. Tron estimait que sa fiancée le négligeait depuis quelque temps. Elle n’avait plus que leur collection en tête. Ne disait-on pas que rien ne valait une pointe de jalousie pour raviver une relation ?
    À son grand étonnement, la manœuvre semblait fonctionner. La princesse nourrissait désormais une véritable aversion à l’égard de la Polonaise. À moins que… elle ne fît semblant ? Avec elle, on ne savait jamais.
    — Pardonne-moi si j’ai du mal à te plaindre, répliqua-t-elle en plissant les yeux. Tu ne vas pas me raconter que tu as énormément souffert de vos multiples rencontres ?
    Non, il n’allait pas lui raconter cela.
    — Si tu fais allusion au fait qu’elle apprécie l’ Emporio della Poesia et qu’une partie de cette estime retombe sur l’éditeur, je répondrai juste que cette femme comprend quelque chose à la littérature. Je ne pouvais pas passer à côté d’une occasion aussi propice.
    Il referma la Gazetta di Venezia , la posa près du cendrier de la princesse et décocha une nouvelle flèche : — En plus, son jeu est absolument divin.
    — Elle a joué pour toi ?
    — Bien sûr ! Et même la mazurka en la mineur, celle que tu aimes par un fait extraordinaire. Quand on ne l’a jamais entendue, on ne saurait imaginer le talent de Constancia Potocki.
    La princesse sourit.
    — Qui te dit que je ne l’ai jamais entendue ?
    Tron haussa les sourcils d’un air étonné.
    — Tu as assisté à l’un de ses concerts ?
    — Oui, à la salle Pleyel, il y a quatre ans.
    — Pourquoi ne m’en as-tu jamais parlé ?
    — Parce que tu t’énerves dès que j’évoque Paris.
    La princesse alluma une cigarette, inhala profondément et expira un anneau de fumée au-dessus de la table.
    — Vous, les Vénitiens, vous vous faites toujours une idée exagérée de la vie nocturne à Paris.
    Le commissaire haussa les épaules avec résignation.
    — Nous, les provinciaux.
    — Ne te vexe pas tout de suite !
    — Je ne suis pas vexé, rétorqua-t-il. Je regrette juste que mon talent de négociateur ne soit pas apprécié à sa juste valeur.
    Il prit un des croustillants baicoli 1 dans la coupelle posée sur la table basse.
    — Tu te souviens peut-être comme il fut difficile ne serait-ce que d’entrer en contact avec elle, comme elle vit retirée du monde.
    Maria esquissa un sourire moqueur.
    — Tu n’as aucun mérite d’y être arrivé. Tu as juste eu la chance de pouvoir lui rapporter le porte-monnaie qu’on venait de lui dérober sur la place Saint-Marc !
    Elle n’avait pas tout à fait tort. Tron ne put s’empêcher de sourire, ce qui était hélas une erreur. La cigarette que la princesse portait à sa bouche s’immobilisa en l’air.
    — Un instant ! Tu as une raison de ricaner de la sorte ?
    Elle fronça les sourcils et le regarda d’un air méfiant. Tout à coup, elle écarquilla les yeux.
    — Tu n’as quand même pas demandé à Angelina de lui dérober sa bourse ?
    En plein dans le mille ! Par expérience, il savait que, désormais, il ne servait à rien de nier. Mieux valait avouer la vérité tout de suite.
    — Je te jure, Maria. Nous avons eu une simple…
    Comment dire ? Il se tut lamentablement. La princesse insista d’une voix très contrôlée, mais cinglante comme un coup de fouet : — Une quoi, Tron ?
    Sans le vouloir, le commissaire rentra la tête dans les épaules.
    — Nous avons eu une conversation au cours de laquelle je lui ai suggéré de m’aider.
    Au nom du Ciel, pourquoi n’avait-il pas pu s’empêcher de sourire ?
    — Et alors ?
    — Elle a dit qu’elle préférait d’abord t’en parler. Parce qu’elle n’était pas sûre que ce soit une bonne idée. Là-dessus, j’ai fait machine
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