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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre
Autoren: Nicolas Remin
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sujet de Potocki.
    — Que sa femme ne l’aimait plus et qu’elle voulait le quitter ?
    — Oui. Seulement, il avait un alibi parfait.
    — Parce que nous n’avions pas remarqué le piano mécanique ! renchérit le commissaire.
    Bossi hocha la tête.
    — Il m’a semblé que vous deviez l’apprendre sans tarder. Donc, j’ai couru au palais Balbi-Valier. Or vous n’étiez pas là. La princesse m’a appris que Potocki était venu vous chercher, mais qu’elle ignorait où il vous avait emmené.
    — Qu’avez-vous fait ensuite ?
    — J’ai demandé à un gondolier de me conduire au palais Mocenigo. Je voulais voir le piano et parler à Mme Kinsky.
    — Alors ?
    — C’était en effet un piano mécanique.
    — Anna Kinsky est-elle mêlée au meurtre, à votre avis ?
    — Je ne crois pas, dit Bossi avec un haussement d’épaules. À la limite, elle se doutait de quelque chose. Mais je n’avais pas beaucoup de temps pour l’interroger. Je voulais savoir où Potocki vous avait emmené.
    — Elle le savait ?
    — Non, mais elle connaissait un appartement sur le rio di San Barnaba où sa cousine avait l’habitude de rencontrer Troubetzkoï. Et elle savait que Potocki avait trouvé la clé. Elle m’en a donné l’adresse : une porte rouge en face du bateau de fruits et légumes. C’était ma seule piste. La porte était restée ouverte, j’ai donc pu entrer sans peine. Sans le vent et la pluie torrentielle, Potocki aurait sans doute entendu mes pas dans le couloir. En m’avançant, j’ai distingué des voix – la sienne et la vôtre.
    — Combien de temps êtes-vous resté là ?
    — Tout au plus trente secondes. Par le trou de la serrure, j’ai aperçu le Titien et, à côté, Potocki brandissant une arme dans votre direction. Il parlait, mais l’orage m’empêchait de comprendre. Aussi je me suis dit que si je vous écartais et que je tirais en même temps sur Potocki, j’avais une chance d’y arriver.
    — M’écarter , le terme paraît un peu faible, plaisanta Tron en montrant son bandage.
    — Il fallait agir vite, commissaire, s’excusa le sergent en soupirant. Quand je vous ai vu allongé par terre, j’ai d’abord cru que vous étiez mort.
    — C’était le plan de Potocki.
    Bossi fronça les sourcils.
    — Quel plan ?
    — Il aurait prétendu qu’il avait voulu me montrer le Titien, expliqua Tron, et que Troubetzkoï m’avait tiré dessus.
    — Troubetzkoï qu’il avait lui aussi attiré vers ce lieu pour l’abattre ? comprit le sergent. Mais comment se fait-il qu’il était en possession du Titien ?
    — Il l’a volé au palais da Lezze.
    Bossi reprit sa respiration.
    — C’était donc lui le complice ?
    Tron hocha la tête.
    — Le colonel et lui étaient de vieilles connaissances. Potocki a liquidé Kostolany, puis le père Terenzio dans l’espoir que l’affaire serait ainsi classée. Si vous n’aviez pas réexaminé les photographies que vous avez prises à l’intérieur de l’église, son plan aurait fonctionné. Il me l’a raconté avec beaucoup de fierté.
    — Et maintenant ? demanda Bossi.
    — Maintenant, remontez ! ordonna Tron avec un sourire. Je vous dicterai mon rapport demain. À ce moment-là, vous apprendrez tous les détails. Vous vous êtes inscrit pour des danses ?
    Le sergent fit une grimace gênée.
    — Juste pour une seule. Je n’avais pas le choix, commissaire.
    — Pas le choix ? Qui est-ce ?
    Bossi tira sur sa cravate et toussota nerveusement.
    — Mlle Violetta.
    — Mlle Violetta ?
    Tron faillit s’étrangler avec son beignet.
    — Vous avez bien dit Mlle Violetta ?
    Le jeune homme hocha la tête.
    — Le baron a insisté, commissaire. Il voulait à tout prix qu’elle soit invitée au moins une fois dans la soirée. En outre, il m’a appelé inspecteur .
    — C’est bon signe.
    — Vous croyez ?
    — Sans aucun doute. Dites à la princesse que j’ai fini mes beignets.
    — Je peux envoyer quelqu’un si vous…
    Tron leva la main.
    — Prévenez la princesse.

50
    Allongé dans son lit, les jambes repliées, Tron se gavait de beignets dauphin * et mettait des miettes partout, ce que personne ne pouvait lui reprocher car il avait la tête et le bras droit enveloppés dans d’épais bandages ; on ne pouvait pas éviter les miettes dans de telles conditions. Enfant, il avait passé des heures dans cette position, à grignoter des baicoli et à écouter les mêmes bruits qu’à présent : les valses de Vienne dans la grande salle, les pas et
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