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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis
Autoren: Albert le Roy
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ma mère qui mettait le gâteau dans mon soulier. Aussi me parut-il moins beau et moins bon que les autres fois, et j'éprouvais une sorte de regret de ne pouvoir plus croire au petit homme à barbe blanche.»
    Elle eut une affection très vive, très persistante pour ses poupées, et de l'horreur pour un certain polichinelle, somptueusement costumé, mais qui lui apparaissait comme un redoutable et malfaisant personnage. Plus tard un goût analogue s'emparera d'elle, celui des marionnettes. Elle leur élèvera un théâtre à Nohant et composera pour elles, en collaboration avec son fils, de véritables comédies. Dès son plus jeune âge, elle aimait se raconter à elle-même de longues et fantastiques histoires. Sa sœur Caroline avait été mise en pension, sa mère était très occupée par les soins du ménage. Aussi, pour qu'elle prît un peu l'air, la plaçait-on volontiers dans la cour, entre quatre chaises, au milieu desquelles il y avait une chaufferette sans feu, en guise de tabouret.
    Aurore, ainsi emprisonnée, employait ses loisirs à dégarnir avec ses ongles la paille des chaises, et grimpée sur la chaufferette, tandis que ses mains étaient occupées, elle laissait errer son imagination. A haute voix elle débitait les contes improvisés que sa mère appelait des romans.
    A de longs intervalles, son père revenait entre deux campagnes. La maison s'emplissait de bruit et de gaîté. L'enfant entendait prononcer le nom et raconter les victoires de l'Empereur. Un jour, à la promenade, elle l'aperçut. Il passait la revue des troupes sur le boulevard. Sa mère s'écria, toute joyeuse : «Il t'a regardée, souviens-toi de ça ; ça te portera bonheur !» Et George Sand ajoute dans l'Histoire de ma Vie : «Je crois que l'Empereur entendit ces paroles naïves, car il me regarda tout à fait, et je crois voir encore une sorte de sourire flotter sur son visage pâle, dont la sévérité froide m'avait effrayée d'abord. Je n'oublierai donc jamais sa figure et surtout cette expression de son regard qu'aucun portrait n'a pu rendre. Il était à cette époque assez gras et blême. Il avait une redingote sur son uniforme, mais je ne saurais dire si elle était grise ; il avait son chapeau à la main au moment où je le vis, et je fus comme magnétisée un instant par ce regard clair, si dur au premier moment, et tout à coup si bienveillant et si doux.» Elle vit également le Roi de Rome dans les bras de sa nourrice, à une fenêtre des Tuileries d'où il riait aux passants. En apercevant Aurore, dont la physionomie lui plut sans doute, il se mit à rire davantage et jeta de son côté un gros bonbon. Malgré les signes de la gouvernante du Roi, le factionnaire qui était au pied de la fenêtre ne voulut pas que le bonbon fût ramassé.
    De ces temps éloignés George Sand avait conservé des souvenirs très précis. Elle revoyait les jeux de son père qui, à table, pour la désappointer, feignait de vouloir manger tout le plat de vermicelle cuit dans du lait sucré, ou qui avec sa serviette faisait des figures de moine, de lapin ou de pantin,-distraction familière aux mess de sous-officiers. Cependant le bien-être et l'aisance ne régnaient pas à la maison. Maurice Dupin, aide de camp de Murat, en dépit de ses appointements et des dons de sa mère, se laissait endetter. On a accusé sa femme d'avoir été désordonnée et dépensière. L'Histoire de ma Vie proteste contre ce reproche : «Ma mère faisait elle-même son lit, balayait l'appartement, raccommodait ses nippes et faisait la cuisine. C'était une femme d'une activité et d'un courage extraordinaires. Toute sa vie, elle s'est levée avec le jour et couchée à une heure du matin.»
    Le grand ami d'Aurore, en ces premières années d'enfance, fut un certain Pierret, d'origine champenoise, dont George Sand s'est complu à évoquer la physionomie. Il occupait au Trésor un emploi des plus modestes, et il était la seule personne que madame Maurice Dupin reçût dans l'intimité, en l'absence de son mari. Ce Pierret avait pour la fillette «la tendresse d'un père et les soins d'une mère». Le surplus de ses loisirs s'écoulait dans un estaminet du faubourg Poissonnière, à l'enseigne du Cheval blanc ; car il aimait le vin, la bière, la pipe, le billard et le domino. Il aimait surtout Aurore. C'était un disgracié, à l'âme tendre, aux effusions sentimentales. «Le plus laid des hommes, dit George Sand, mais cette laideur était si
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