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Funestes présages

Funestes présages

Titel: Funestes présages
Autoren: Paul C. Doherty
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des voisins qui ne se parlaient ni ne se rencontraient. Lady Margaret refusait de traiter des affaires avec l’abbé Stephen et s’opposait avec vigueur à toute tentative de l’abbaye d’étendre ses droits. Elle revendiquait avec jalousie les privilèges attachés à sa propriété. Il y avait de sévères différends entre eux.
    Corbett regarda la dépouille.
    — Je me demande si elle est venue lui rendre un dernier hommage. Il faut que je m’en informe auprès du prieur Cuthbert. Bon, qu’as-tu appris, mon clerc de la Cire verte ?
    Ranulf desserra son ceinturon et frotta son flanc irrité. Ayant quitté Norwich avant son maître, il avait passé la nuit précédente dans une taverne locale, La Lanterne dans les bois, à écouter les ragots des colporteurs, voyageurs et chaudronniers.
    — J’ai ouï parler de la haine entre Lady Margaret et l’abbé Stephen, mais les gens semblent la considérer comme ils le font du temps : quelque chose qu’on doit accepter. Les moines respectaient et aimaient leur abbé. L’abbaye était bien dirigée, sans trace de laisser-aller ni de scandale. Il y a un ermite qui se fait appeler le Gardien des portes. L’abbé Stephen l’avait autorisé à construire une chaumine près du mur. On le juge fol et un peu inquiétant. Il narre aux passants des contes à vous glacer le sang sur les cavaliers démoniaques et le fantôme de Geoffrey Mandeville.
    — Ah oui, j’en ai entendu parler.
    — Ce ne sont qu’histoires de veillées, reprit Ranulf, hormis un détail. Un chaudronnier m’a raconté que, ces dernières semaines, on avait ouï une corne de chasse dans la nuit.
    — Une corne ? s’exclama Corbett.
    — C’est ce qu’a prétendu cet homme. Un soir qu’il n’avait pu trouver de logis et que les portes de l’abbaye étaient closes, il est allé demander asile à Lady Margaret. Elle lui a permis de dormir dans l’un de ses communs. Il s’est réveillé au milieu de la nuit, dans les ténèbres, et, claires comme un coup de clairon par une journée d’été, il a entendu trois longues sonneries stridentes, puis ce fut le silence. Le lendemain, il s’est renseigné. La chose semble tout à fait ordinaire et s’être produite deux ou trois fois par semaine ces derniers mois. Personne ne sait pourquoi, ni qui en est l’auteur.
    Il s’apprêtait à continuer quand on frappa à la porte.
    — Entrez ! ordonna Corbett.
    Le frère lai qui pénétra dans la pièce portait une longue bure de laine ceinte d’une cordelette blanche à la taille et était chaussé de solides sandales brunes. Il était grand, avec une tonsure dans ses cheveux blonds, des yeux hardis et une mâchoire ferme. Son visage était pâle, presque émacié, et ses hautes pommettes lui donnaient un air impérieux. Corbett ne parut pas l’intimider.
    — Je suis frère Perditus, se présenta-t-il d’une forte voix gutturale.
    Le clerc remarqua qu’il avait les yeux rouges d’un homme qui a pleuré. Il le soupçonna de s’être rincé la figure à l’instant et de prendre sur lui pour se montrer courageux.
    — Vous avez pleuré, n’est-ce pas ?
    Les traits hautains de l’arrivant se décomposèrent et il laissa retomber ses bras. Fixant le sol, il acquiesça. Quand il releva la tête, des larmes brillaient dans ses yeux. Refusant de regarder le cercueil, il resta sur le seuil et jeta un coup d’oeil d’abord à Corbett puis à Ranulf.
    — Je crois que nous pourrions sortir, proposa Corbett avec douceur.
    Le frère Perditus les précéda d’un pas vif et profita de l’occasion pour se sécher les yeux avec la manche de sa robe. Ils suivirent une galerie et débouchèrent dans la vaste cour du cloître qu’ils traversèrent. Un faible soleil avait fait fondre la gelée sur l’herbe. Le scriptorium qui, en temps ordinaire, aurait bourdonné d’activité, enlumineurs et scribes profitant de la précieuse lumière du jour pour avancer leur ouvrage, était désert : les pupitres et lutrins dont se servaient les moines pour étudier étaient abandonnés, les livres soigneusement refermés, les cornes à encre scellées.
    — Les frères sont encore à l’église, expliqua Perditus par-dessus son épaule. Mais je parie qu’ils ont tous eu vent de votre arrivée.
    Il leur fit prendre un autre couloir pour sortir, et, passant devant l’église où Corbett sentit le parfum de l’encens et de la cire vierge, ils parvinrent dans une cour ornée en son centre d’une
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