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En ce sang versé

En ce sang versé

Titel: En ce sang versé
Autoren: Andrea H. Japp
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Lacrimae, Templa mentis , Flammarion, 2010-2011.

    2 - Rappelons que l’ordre de l’Hôpital, tout aussi riche que celui du Temple, n’a pas été inquiété par le roi.

    3 - Templier à la tête d’une commanderie, c’est-à-dire une circonscription, et non pas seulement un couvent ou un domaine bâti.

XXXI
    Abbaye de femmes des Clairets,
 décembre 1305, le lendemain
    L orsque M. Justice de Mortagne était rentré à la Hase Guindée, la tête chamboulée, pleine de Mahaut, ou de Marie, les muscles bandés d’impatience, prêt à parcourir le monde s’il le fallait pour que soit reconnue l’innocence de sa belle dame, il aurait parié qu’il ne fermerait pas l’œil de la nuit. Au lieu de cela, il s’était écroulé dans un profond sommeil, dont l’avait tiré, à l’aube, un rêve pesant. Hardouin répugnait à attribuer le terme de cauchemar à des rêves, terme excessif à ses yeux, puisque lui dispensait les pires : ceux des éveillés que l’on allongeait sur sa table de Question.
    Deux pattes grêles d’oisillon s’étaient posées sur un gros œuf blanc. Les pattes avaient grossi, et encore grossi. D’impressionnantes serres les terminaient. Les griffes s’étaient repliées sur la coquille, lent et régulier mouvement. Brusquement, celle-ci avait cédé. Une gerbe de jaune d’œuf avait plu. Hardouin s’était redressé en sursaut.
    La vision de Sylvine. Le moineau des roches. L’abbesse ?
    Il s’était habillé à la hâte, certain que l’histoire d’Henriette de Tisans n’avait pas encore trouvé sa conclusion définitive. Il avait dévalé l’escalier, attrapant au passage le morceau de pain qu’une maîtresse Hase sidérée lui tendait, tout en lui jetant :
    — Mille pardons, maîtresse, je n’ai point le temps ! De grâce, prévenez messire de Tisans que je serai de retour au soir échu.
    — Un message pour vous, arrivé par cavalier… de votre servante… Ce tôt matin… je…
    — Plus tard !

    Un pâle soleil d’hiver l’escorta. Le ciel d’un bleu délavé laissait présager d’une journée sans neige. M. Justice de Mortagne ne savait trop ce qu’il allait chercher en l’abbaye. De plus, on lui en refuserait peut-être l’entrée. Sa course solitaire l’apaisa. Solide sur le puissant et rapide Fringant, il se sentait de taille pour toutes les batailles.
    Quel extraordinaire retournement du sort ! Il tourmentait et tuait, détruisait des vies sur ordre de justice, sans regret, sans remords mais sans satisfaction. Surtout, sans aucun sentiment, sans même de mémoire. Et ne voilà-t-il pas que, grâce à Marie de Salvin, une passion pour la vraie justice, la vie – la sienne, celle des autres – s’était immiscée en lui, jusqu’à faire rage, à la manière d’une tempête balayant tout sur son passage ? Quel époustouflant bouleversement !
    Il repensa au message de Bernadine qu’il n’avait pas eu envie de lire, se doutant de ce qu’il renfermait : demain ou après-demain, il tuerait. Quelle importance ? Aucune. Dans une semaine, deux tout au plus, Mahaut de Vigonrin serait sauvée, libre, en vie, grâce à lui.
    Une ombre détestable, toujours la même, gâcha son humeur conquérante. Comment réagirait la belle dame lorsqu’elle apprendrait son office, d’où lui venait sa fortune ? Par le dédain, la consternation, le dégoût. Il ne pourrait lui en vouloir. Aucune femme, même pauvresse des rues, n’aurait accepté de lier sa vie à celle d’un Jean-Cadavre. Pour la première fois de son existence d’exclu, l’idée qu’il partirait, changerait de nom, s’installerait où nul ne le connaissait s’imposa à lui telle une évidence.

    Il démonta devant la porterie principale de l’abbaye et cogna au lourd panneau. Quelques secondes plus tard, le tour pivota et une voix très jeune s’enquit :
    — Qui va là ?
    — Hardouin Venelle, pour madame Constance de Gausbert. J’ai déjà eu le privilège de m’entretenir avec elle, il y a peu.
    — Vous attend-elle ce jour d’hui ?
    — Pas véritablement, mais…
    Le tour pivota en sens inverse. Il cria :
    — De grâce ! Il s’agit d’une raison d’importance. Le meurtre de votre sœur Henriette de Tisans. Je gagerais que l’argent des aumônes ne lui fut pas dérobé et crois savoir où on le cache. Ici !
    Un court silence, puis :
    — Patientez.
    Il sembla à M. Justice de Mortagne qu’une éternité s’écoulait jusqu’à ce que les traverses
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