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En ce sang versé

En ce sang versé

Titel: En ce sang versé
Autoren: Andrea H. Japp
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concession à lui-même. Nogaret se délectait des brimades de confort qu’il s’imposait, y voyant une splendide démonstration de sa force d’âme et de volonté, bref de sa supériorité sur les autres, ceux qui ripaillaient, s’enivraient, hantaient les bordels, ronflant ensuite bouche grande ouverte. Bref, des déclinaisons d’un Charles de Valois, déclinaisons fréquentes à la cour. Un frisson d’agacement le parcourut à la seule évocation du frère du roi.
    D’un autre côté, les menus travers ou les grands vices des autres, leur complaisance envers eux-mêmes, pouvaient se révéler de puissants outils de contrainte ou de négociation, outils que ne dédaignait pas le conseiller. Les courtisans et les petits barons s’agitaient tels des têtards dans leur coin de mare vaseuse, dépensant sans compter afin de paraître et de mener beau train. Du coup, ils ne rechignaient guère à s’improviser informateurs, voire traîtres, lorsque leur bourse s’aplatissait d’inquiétante manière.
    Au fond, Nogaret préférait infiniment les véreux aux vertueux. La peste fût des purs ! Rien n’était plus ardu à contraindre ou à convaincre qu’un pur. Cette certitude, maintes fois réitérée, amplement vérifiée, le ramena à la visite qu’il attendait ce jour, en discrétion. Hugues de Plisans 1 , chevalier templier. Il se remémora leur première rencontre, quelques semaines auparavant. Le magnifique spécimen de la gent forte d’à peine vingt-cinq ans, grand, d’une belle minceur musclée, au regard très bleu, l’avait stupéfait. Sa franchise brutale, mais également son élégance virile et son aplomb n’étaient guère choses habituelles pour messire de Nogaret, et encore moins venant d’un templier. En effet, l’ordre veillait jalousement sur ses secrets et ne requérait jamais faveur d’un laïc, ou même d’un religieux appartenant à un autre ordre.
    Hugues de Plisans avait fait fi des tergiversations ou des prudences de langue. Jacques de Molay, leur grand-maître allait s’obstiner, refusant allégeance à messire Philippe de Poitiers, fils du roi, comptant à tort sur le soutien du souverain pontife. Afin de sauver ses frères d’ordre Plisans avait offert son aide à Nogaret. L’argument du templier avait convaincu le conseiller de sa sincérité. De fait, si trahison il y avait, la faute en revenait à Molay, courageux mais buté et arrogant, prêt à l’affrontement avec Philippe le Bel afin de garder la haute main sur son ordre 2 .
    Il attendait donc le chevalier qui semblait désireux de l’avertir d’une « préoccupation » nouvellement surgie.
    À l’ordre donné ce tôt matin, un huissier fit pénétrer Plisans dès son arrivée.
    Le chevalier templier s’inclina, attendant que la haute porte se referme sur l’huissier avant de déclarer :
    — Messire de Nogaret, je vous espère en belle forme et vous remercie de m’avoir reçu sans tarder.
    — Le merci à vous d’avoir sollicité cette entrevue, rétorqua Nogaret en espérant que l’autre entrerait sitôt dans le vif du sujet, tant sa curiosité avait été piquée par le terme vague de « préoccupation ».
    — Messire, il m’a semblé… urgent de vous venir narrer ce que j’ai découvert dans un courrier adressé par Jacques de Molay à certains des commandeurs 3 .
    — De grâce !
    — Une ancienne histoire qui resurgit soudain. Celle d’une pierre rouge qui fut volée au Temple, il y a longtemps.
    — Une pierre rouge ?
    — Malheureusement, mon grade dans la hiérarchie du Temple ne me permet pas d’en connaître plus sur sa nature ou sa signification, admit le chevalier. En revanche, je suis convaincu de son extrême importance, puisque Molay la convoite plus que tout, ainsi que… Rome.
    Cette seule mention fit se redresser Nogaret.
    — Rome ?
    — En effet. Il semble qu’ordre ait été donné à l’Inquisition de retrouver la pierre coûte que coûte.
    — Oh, fichtre, fichtre, souffla Guillaume de Nogaret. Ah ça, mais si Rome et Molay la désirent, il me la faut, et quoi qu’elle vaille en réalité. Un moyen de pression, d’échange avec notre bon Clément V ? Plisans, n’en savez-vous pas davantage ?
    — Peu. À ce que j’ai lu, à la hâte, de cette missive qui ne m’était certes pas destinée, la piste remonterait, sans certitude, vers un mire exerçant l’art médical à Brévaux.
    1 - Voir la série Les Mystères de Druon de Brévaux, Aesculapius,
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