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Elora

Elora

Titel: Elora
Autoren: Mireille Calmel
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castel lorsque l’amie de dame Hélène venait en visite avec son époux. Malgré son jeune âge, Elora aurait pu répondre à ces questions s’il les avait posées. Lui apprendre qu’il était le fruit d’une agression et que Marie de Beaumont, sa véritable mère, l’avait rejeté sitôt sa naissance, sans rien dire à l’homme qui l’avait épousée. Mais à quoi bon remuer le fumier ? En dépit de sa nature malingre, de ses traits ingrats, Mayeul était heureux, choyé par la vieille cuisinière et par Elora qui veillait sur lui. C’était au fond tout ce qui importait.
    — Oh, oh !…
    — Quoi ? demanda Elora qui s’en venait d’un pas tranquille, zigzaguant au milieu des fougères.
    Sans se préoccuper de la faisane coincée entre deux branches par la flèche qui lui traversait la poitrine, Mayeul restait penché au-dessus du buisson qu’il était, l’instant d’avant, prêt à enjamber. Il tourna vers elle un visage dégoûté. Au même instant, un souffle changeant porta vers Elora une odeur de charogne. Elle se précipita.
    — C’est qui ?
    Elora haussa les épaules pour toute réponse. Un homme se décomposait là, ce qui lui restait de joue collé à la terre, le visage et les mains vérolés, l’orbite vide, les reins rongés par quelque carnassier sous ses vêtements de voyage.
    — Qu’est-ce que tu fais ? s’inquiéta le garçonnet en la voyant avancer dans les ronces.
    Mue par cette intuition qui la différenciait des autres, Elora s’accroupit au milieu des fougères qui masquaient habilement le cadavre et l’examina de plus près. Elle arracha la pointe fichée entre les côtes déchiquetées pour vérifier que ce n’était pas l’une des siennes.
    — On l’a tué, tu crois ?
    — Pas nous, s’empressa-t-elle de le rassurer.
    — Qui, alors ?
    Elora inspecta la pointe, les ailerons, le bois, en détail. Elle connaissait l’odeur qui s’en dégageait. À plusieurs reprises, le vent la lui avait portée alors qu’ils se trouvaient dans la forêt. Chaque fois, elle s’en était éloignée, mue par un sentiment de danger. Pour autant elle n’avait pas de réponse.
    Mayeul, impressionné par son silence, n’osait le briser. Il aurait aimé avoir son courage pour fouiller le cadavre comme elle s’y employait soigneusement à présent, mais la vue de fourmis sortant en colonne par la narine décharnée de l’inconnu l’écœurait trop. Quant à récupérer la faisane en enjambant cette horreur, il n’y fallait pas compter.
    Un haut-le-cœur le fit s’écarter lorsque Elora retourna le corps à pleines mains, révélant une cohorte d’insectes qui l’avaient colonisé. Sans s’en émouvoir, tandis que son compère vomissait, bras croisés sous l’estomac, Elora passa les doigts sous les tissus successifs, attirée par un renflement. Elle en sortit une fine pochette de cuir. L’ouvrit comme Mayeul s’essuyait la bouche. Sur le pli qu’elle contenait, une écriture fine et racée avait tracé à la plume le nom d’Hélène de Sassenage.
    — Alors ? demanda Mayeul de loin.
    Elora empocha la lettre, se releva et décrocha leur chasse. Le garçon était pâle encore lorsqu’elle s’arrêta devant lui.
    — Je crois qu’on l’a assassiné pour l’empêcher de remplir son office, déclara la fillette en lui désignant le courrier.
    Mayeul se mit à trembler.
    — Tu crois qu’il est encore là ?
    — Qui ça ?
    Il rentra les épaules, marquant plus encore sa bosse. Baissa la voix.
    — Le faiseur de malemort…
    Elora se mit à rire, ses yeux vert d’eau pétillant.
    — Non, petit bout, non. Ce sire-là croupit depuis plusieurs semaines déjà. À mon avis, quelqu’un l’aura pourchassé dans ces bois, l’éloignant de la route, puis tiré comme un lapin ; mais ce quelqu’un était moins malin que nous pour retrouver un gibier.
    Elle lui tendit l’oiseau.
    — Accroche ça à ta ceinture. On rentre.
    — D’accord, mais on passe par la source… Tu pues, assena-t-il en tordant la bouche.
    Elora éclata d’un rire clair.
    Il en fallait davantage pour déstabiliser une enfant des fées.
    *
    Assise dans le jardin, sous une tonnelle de chèvrefeuille où elle profitait de la douceur de l’air, dame Hélène fixait, les mains tremblantes, la lettre qu’Elora lui avait remise après sa macabre découverte.
    Le rire frais des deux enfants qui s’étaient rejoints à l’autre bout du parc sitôt leur mission remplie parvenait
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