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Elora

Elora

Titel: Elora
Autoren: Mireille Calmel
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se dirigea d’un pas lourd vers le tunnel sombre duquel le torrent jaillissait, longea son bord pour gagner le cœur de la falaise. « Au fond, pensa-t-il, c’est aussi bien ainsi. Qu’il meure. Qu’ils meurent tous. Moi le premier. »
    Dans son dos, une gifle balaya le visage de Jean.
    Face à la joie de son frère de pouvoir enfin prouver son courage, le garçonnet venait de soupirer :
    — Quelle chance !
    Villon n’était pas d’humeur à le laisser croire à une telle absurdité.

2
     
    À une dizaine de lieues de là, dans les bois ceinturant le château de Bressieux, une jouvencelle de dix ans passés bandait son arc, juchée sur la branche basse d’un châtaignier. Au pied de l’arbre, son compère de chasse, d’un an son cadet, né bossu et simplet, porta les deux mains à sa bouche pour imiter le cri du faisan. Tous deux excellaient pour ramener du petit gibier.
    Le gros gibier, Elora le laissait à Aymar de Grolée, l’homme qui l’avait recueillie et qu’elle chérissait.
    Avec Hélène, son épouse, ils le lui rendaient bien, autant parce que la fillette possédait un caractère et des dons hors du commun, qu’en mémoire de sa mère naturelle, qui s’était sacrifiée pour les sauver tous. Elora n’était alors qu’un nourrisson, mais loin de souffrir de l’absence maternelle, elle respirait la joie de vivre. Car, avec Mayeul à qui elle s’était confiée, elle était la seule à connaître la vérité sur ce qui s’était réellement passé ce jour de mars 1484 où ses parents avaient disparu. Elora n’avait eu besoin de personne pour le découvrir. Ce savoir était en elle, avec d’autres plus grands encore qui attendaient leur heure dans son cœur d’enfant.
    Pour l’instant, elle frémissait de cette excitation qui la tenait chaque fois qu’elle s’apprêtait à lancer sa flèche. Les jupons retroussés à mi-cuisse, les pieds nus ballants de chaque côté de la branche, sa tresse de couleur châtaigne rejetée en arrière, elle était tout entière à l’écoute des bruits de la forêt. Avant longtemps, elle le sentait, la proie convoitée volerait jusqu’à eux.
    Mayeul réitéra son appel, sa bosse accolée à l’écorce de l’arbre. Puis attendit, lui aussi l’oreille en alerte. Une feuille rousse détachée avec d’autres par la brise automnale lui frôla le visage, amenant un sourire de plaisir sur ses traits ingrats.
    Un cri. Son cœur s’emballa. Une faisane. De plumage terne à l’inverse du mâle paré de somptueuses couleurs, elle était plus petite mais plus goûteuse en bouche. Mayeul se pourlécha machinalement les babines en relevant les yeux, les mains en cornet devant ses lèvres fines pour jeter le cri qui attirerait le vol, lourd, de l’oiseau.
    Elora était prête. Elle suivit l’avancée du gibier, d’arbre en arbre, guidée autant par son instinct que par sa connaissance des animaux. Lorsque la femelle aux plumes grises lui apparut dans une trouée, bien distincte entre l’or, le pourpre et le vert bronze des feuilles, elle anticipa sa trajectoire et relâcha son doigt. Le trait siffla, la faisane dégringola bruyamment de branche en branche.
    — Tu l’as eue ! claironna Mayeul, ravi, qui ne l’avait jamais vue manquer une cible.
    Satisfaite, Elora remisa l’arme dans son carquois et sauta à bas du châtaignier. Elle se reçut souplement sur les pieds, à peine ramassée pour amortir l’impact.
    — Perdons pas de temps, c’est plein de renards par ici, dit-elle en claquant une bise sur la joue de Mayeul.
    C’était un rituel. Depuis cette enfance qu’ils partageaient, l’un dans l’arrière-cuisine, élevé par la vieille Malisinde dont c’était le domaine, l’autre dans le corps de logis du castel, choyée par leurs seigneuries.
    Ils détalèrent vers le lieu de chute, à quatre-vingts pieds de là. Elora se laissa distancer. Elle savait que le plaisir de Mayeul était de brasser les buissons pour retrouver leur prise et ne voulait pas l’en priver.
    — Là, elle est là ! s’écria-t-il joyeusement, alors que déjà, à quelques pas d’elle, il se disputait avec un roncier au risque de déchirer sa tunique.
    S’il avait eu plus d’intelligence, Mayeul se serait demandé pourquoi ses habits n’étaient pas rapiécés mais changés, pourquoi le tissu était de bonne facture, pourquoi il bénéficiait d’une éducation plus poussée que ses compagnons de valetaille et surtout pourquoi on l’éloignait du
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