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Douze

Titel: Douze
Autoren: Jasper Kent
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Margarita ou avec Domnikiia que vous étiez ?
    Il leva les yeux vers moi, la tête légèrement penchée.
    — C’était… (Il eut un instant de réflexion, comme si on lui avait demandé s’il préférait du bœuf ou du mouton pour le dîner.) Margarita ! annonça-t-il d’un air décidé.
    Puis il tira d’un coup sec sur ma jambe, me faisant de nouveau tomber sur le dos. Alors que je commençai à glisser une fois de plus vers la rivière, Iouda avait lui aussi perdu son unique ancrage et sa tête disparut sous la surface.
    La plaque de glace se mit à basculer sous moi et je glissai plus rapidement encore vers l’eau dans laquelle Iouda venait tout juste de disparaître. Je roulai sur le ventre et écartai largement les bras, mais, exactement comme Iouda, cela ne me servit pas à grand-chose. Je trouvai momentanément une prise de la main droite, mais ne pus rien faire des doigts de ma main gauche. Quelques secondes plus tard, je plongeai dans l’eau et coulai, sentant une froideur nouvelle s’infiltrer dans les derniers endroits de mon corps qui étaient encore protégés par mes vêtements. Lorsque je refis surface, Iouda avait émergé lui aussi.
    — Je ne peux plus vous mentir, Liocha, dit-il, crachant une partie de l’eau qui avait empli sa bouche et avalant le reste. C’était Dominique.
    Une fois encore, il disparut sous les vagues. J’aurais pu plonger pour le ramener à la surface, mais je m’inquiétais désormais davantage du courant qui me précipitait vers les piliers du pont. Je tendis les bras et les jambes devant moi, mais, même ainsi, je ne pus me protéger entièrement de la force de l’impact. Le souffle coupé par la collision de ma poitrine avec le support de bois, je m’y cognai la tête, m’assommant presque. Seul l’instinct me dicta de m’accrocher à ce que je pouvais ; sans cela, alourdi par mes vêtements trempés, j’aurais coulé à pic.
    Quelques instants plus tard, j’étais de nouveau pleinement conscient. Je me hissai hors de l’eau et enroulai les jambes autour de l’un des poteaux. Regardant sur ma gauche, je vis Iouda lui aussi en train de grimper hors de l’eau sur la sous-structure du pont. Son déplacement était semblable à celui d’un triton se traînant hors de son habitat aquatique gluant sur la terre ferme. Il s’arrêta un instant, essoufflé. Alors seulement il regarda alentour et me vit avancer vers lui, m’étirant de piliers en poutres à travers le réseau en bois qui constituait les fondations du pont.
    Iouda disparut à l’intérieur, traversant sous le pont. Je le suivis, mais je progressai plus vite, réussissant à la fois à atteindre l’autre côté du pont et à me rapprocher de lui. Nous étions maintenant en plein milieu de la rivière, à peu près aussi éloignés d’une berge que de l’autre. Au-dessus de nos têtes, des centaines de Français se piétinaient les uns les autres en essayant d’atteindre la rive droite. Les boulets de canon russes plongeaient dans la rivière autour de nous. S’étendant loin de nous, au sud, la rivière coulait rapidement et sans entrave. Au-delà de ce pont, passé les quelques débris de l’autre pont brisé épargnés par le courant, il n’y avait rien sur des kilomètres. Quelque part, loin en aval, il y aurait un autre pont contre lequel tous les morts tombés ici se rassembleraient finalement. Sinon, la mer Noire les attendait, loin, très loin d’ici.
    Iouda bondit dans l’eau et je fis un mouvement pour l’attraper. De la main gauche, je parvins à saisir une touffe de ses dégoûtants cheveux blonds, tout en restant ancré au pont de la main droite. Avec deux doigts et un pouce, il m’était difficile d’assurer une bonne prise, mais ses cheveux étaient longs et rapidement j’y eus entrelacé les doigts. Il était à ma merci, dans l’eau jusqu’au cou. Je pouvais le plonger sous la surface, le remonter en sécurité ou le lâcher.
    — Dites-moi la vérité ! lui hurlai-je.
    — Je vous ai dit la vérité, répondit-il, riant malgré sa situation difficile.
    — Quand ? exigeai-je.
    Ce n’était pas une question rhétorique et il le savait. Je voulais savoir laquelle de ses deux déclarations contradictoires était vraie.
    — Souvent, fut sa seule réponse, là encore accompagnée par un éclat de rire.
    Je le poussai vers le bas, sous l’eau, comptant en silence les secondes afin de m’assurer qu’il ne mourrait pas. Je le remontai et il prit une grande
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