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Dissolution

Dissolution

Titel: Dissolution
Autoren: Christopher John Sansom
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celle-ci cousait des boutons d’agate
ornés d’un dessin gravé compliqué. Une dizaine d’aiguilles d’où pendait un fil
blanc, étaient piquées dans sa braguette excessivement proéminente, comme le
voulait la mode de l’époque. J’étouffai un éclat de rire.
    Il fit son large sourire habituel, montrant de bonnes dents
un rien trop grosses pour sa bouche.
    « Monsieur… Je vous ai entendu arriver. Un envoyé de
lord Cromwell a apporté un paquet et m’a annoncé votre retour. Veuillez m’excuser
de rester assis, mais je crains de faire glisser une de ces aiguilles en me
levant. » Malgré le sourire, son regard était circonspect. Si j’avais vu
lord Cromwell, sa disgrâce avait dû être évoquée…
    J’acquiesçai d’un petit grognement. Je remarquai que ses cheveux
châtains étaient très courts. Afin de dissimuler sa progressive calvitie, le
roi Henri avait fait couper les siens à ras, puis ordonné à tous les courtisans
de l’imiter, et c’était devenu la mode. Ce nouveau style allait assez bien à
Mark, alors que moi j’avais décidé de garder les miens longs, cette coiffure s’accordant
mieux à mes traits anguleux.
    « Joan ne pouvait-elle pas faire tes travaux de couture ?
    — Elle était occupée à préparer votre retour. »
    Je pris un livre sur la table.
    « Je vois que tu lisais mon Machiavel.
    — Vous m’avez dit que ça pourrait me distraire. »
    Je me laissai tomber sur les coussins de mon fauteuil en
poussant un soupir.
    « Et ça te plaît ?
    — Pas vraiment. Il conseille à son prince d’utiliser la
cruauté et la tromperie.
    — Il croit que c’est nécessaire pour bien diriger le
pays et que l’appel à la vertu des écrivains classiques méconnaît les réalités
de la vie. “Un chef qui agit honorablement mais est entouré d’hommes peu
scrupuleux est voué à perdre le pouvoir.” »
    Mark coupa le fil d’un coup de dent.
    « Voilà une pensée fort amère.
    — C’était un homme amer. Il a écrit son livre après
avoir été torturé par le prince de la famille des Médicis auquel il est dédié. Si
tu retournes à Westminster, tu as intérêt à ne pas dire que tu l’as lu. Il n’y
est pas en odeur de sainteté. »
    L’allusion lui fit lever les yeux.
    « Est-il possible que j’y retourne ? Lord Cromwell… ?
    — Ce n’est pas impossible. On en parlera plus longuement
durant le dîner. Je suis fatigué et souhaite me reposer un peu. »
    Je me hissai hors du fauteuil et sortis de la pièce. Ça ne
lui ferait pas de mal de macérer un peu dans son jus.
    **
    Joan avait bien travaillé. Un bon feu flambait dans ma
chambre et mon lit de plumes avait été fait. Elle avait allumé une bougie et l’avait
placée sur mon bureau, à côté de mon bien le plus cher : la nouvelle
version autorisée de la Bible. Cela me rasséréna de la voir là, illuminée, pièce
centrale de la chambre attirant d’emblée le regard. Je l’ouvris et fis courir
mes doigts sur les caractères gothiques dont la surface brillante luisait dans
la lumière de la bougie. Près du Livre saint se trouvait un large paquet
contenant des documents. Je fis sauter le cachet à l’aide de mon poignard. La
cire durcie se brisa en éclats vermillon qui tombèrent sur le bureau. À l’intérieur,
il y avait un ordre de mission rédigé de l’écriture vigoureuse de Cromwell, un
exemplaire relié du Comperta, ainsi que des documents relatifs aux
inspections de Scarnsea.
    À travers la fenêtre aux carreaux en losange, durant quelques
instants je regardai mon jardin et sa pelouse entourée de murs, paisible dans
la pénombre. À l’approche de l’hiver, je voulais rester là, dans la chaleur et
le confort de mon logis. Soupirant, je m’étendis sur le lit. Je sentis mes
muscles dorsaux fatigués tressaillir en se détendant peu à peu. Je devais faire
un grand trajet le lendemain, et ces longues chevauchées m’étaient chaque année
plus pénibles.
    **
    Mon infirmité s’était manifestée à l’âge de trois ans. Mon
corps se mit à se voûter et à se tordre vers la droite, et aucun appareil ne
réussit à le redresser. À cinq ans, j’étais un vrai bossu et je le suis encore
aujourd’hui. J’étais toujours jaloux des garçons et des filles de la ferme, qui
jouaient et couraient partout alors que je ne pouvais que sautiller comme un
crabe, ce qui déclenchait leurs moqueries. Je prenais parfois Dieu à témoin de
cette injustice.
    Mon père
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