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Dissolution

Dissolution

Titel: Dissolution
Autoren: Christopher John Sansom
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exploitait une ferme de bonne taille située près de
Lichfield, où il élevait des moutons et cultivait une terre fertile. Il était
très triste à la pensée que je ne pourrais pas m’occuper de la ferme, étant son
unique enfant survivant. Moi cela me chagrinait d’autant plus qu’il ne me
reprocha jamais mon infirmité. Il déclara tranquillement un jour que, lorsqu’il
serait trop vieux pour gérer lui-même la ferme, il la confierait à un régisseur
qui travaillerait peut-être pour moi après sa disparition. J’avais seize ans
quand arriva le regisseur. Je me souviens d’avoir serré les dents et refoulé un
flot de rancune lorsque William Poer apparut chez nous un jour d’été. C’était
un homme costaud aux cheveux bruns, au visage franc et rougeaud, dont les
fortes mains calleuses enserrèrent les miennes. On me présenta à sa femme, une
jolie créature au teint pâle, et à Mark, un vigoureux bambin à la tignasse en
bataille qui s’accrochait aux jupes de sa mère en suçant son pouce sale sans me
quitter des yeux.
    On avait déjà décidé à l’époque que j’irais faire mon droit à
Londres. Si l’on souhaitait que son fils devînt financièrement indépendant, et
s’il possédait un minimum d’intelligence, c’était alors à la mode de l’envoyer
à l’École de droit. Mon père affirma que non seulement il y avait de l’argent à
gagner dans ce domaine, mais qu’un jour mes connaissances juridiques m’aideraient
à surveiller la manière dont le régisseur gérait la ferme. Il croyait que je
reviendrais à Lichfield, mais je n’y retournai jamais.
    J’arrivai à Londres en 1518, soit un an après que Martin
Luther eut affiché son défi au pape sur le portail de l’église paroissiale de
Wittenberg. Je me rappelle la difficulté que j’eus au début à m’habituer au
vacarme, aux foules de la capitale, et surtout à la puanteur constante qui y
régnait. Mais aux cours et dans la résidence où je logeais je ne tardai pas à
trouver de bons compagnons. C’était déjà une époque de controverse, les tenants
du droit civil contestant le recours de plus en plus fréquent aux tribunaux
ecclésiastiques. J’étais du côté de ceux qui soutenaient que les cours royales
se voyaient de plus en plus dépouillées de leurs prérogatives. Car si des
hommes s’insultent ou se querellent à propos du sens d’un contrat, en quoi cela
regarde-t-il un archidiacre ? Il ne s’agissait pas seulement du désir
cynique avoir des clients. L’Église était devenue une énorme pieuvre qui, pour
le simple profit et sans le moindre fondement dans l’écriture, étendait ses
tentacules sur toutes les zones de la vie de la nation. Je lus Érasme et
commençai à considérer sous un jour nouveau ma naïve soumission à l’Église
durant ma jeunesse. J’avais mes propres raisons d’en vouloir aux moines en
particulier, et je voyais désormais qu’elles étaient légitimes.
    Je terminai mes études, établis des contacts et me forgeai
peu à peu une clientèle. Je me découvris une aptitude inattendue pour le débat
dans le prétoire, don qui me servit beaucoup devant les juges honnêtes. Et à la
fin des années 1520, juste au moment où le différend entre le roi et la papauté
à propos de l’annulation de son mariage avec Catherine d’Aragon commençait à
créer des remous dans le public, je fus présenté à Thomas Cromwell, un confrère
qui gravissait les échelons au service du cardinal Wolsey.
    Je le rencontrai dans une société de débats de réformateurs
non officielle, dont les membres se réunissaient dans une taverne londonienne –
secrètement, car nombre des livres que nous lisions étaient interdits. Il me
donna bientôt du travail pour le compte de certains ministères. Ce fut ainsi
que j’embrassai ma future carrière, dans le sillage de Cromwell dont l’étoile
montait au point qu’il supplante Wolsey et devienne secrétaire du roi, commissaire
général et vicaire général, tout en cachant à son souverain l’étendue exacte de
son radicalisme religieux.
    Il se mit à rechercher mon aide pour des questions juridiques
concernant ses protégés – il bâtissait un immense réseau –, à telle enseigne qu’on
finit par me considérer comme l’un des « hommes de Cromwell ». C’est
pourquoi quand, quatre ans plus tôt, mon père m’avait écrit pour me demander si
je pouvais trouver un poste pour le fils de William Poer dans l’un des services
de
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