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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons
Autoren: Michel Folco
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qu’à vous rembourser sur
cet argent.
    Tout en parlant, il avait déboutonné
sa veste pour en sortir une bourse de cuir fermée par un lacet. Son geste
dévoila un étui à revolver fixé à son ceinturon.
    — Je ne suis pas supposé tout
dépenser, mais grand-père tient à ce que je ne manque de rien et ne sois à la
charge de quiconque.
    — C’est tout à son honneur, dit
Rosalie que le poids de la bourse fascinait.
    Sa paume sensible identifia la
taille des pièces, son ouïe confirma qu’il s’agissait bien d’or. Dénouant le
lacet, elle compta les louis et les napoléons, poussant des « eh bien, eh
bien, eh bien » admiratifs.
    — Réflexion faite, tu n’as pas
tout à fait tort, cette chambre est un peu étroite… Il est vrai que je ne
pouvais pas prévoir que tu grandirais tant. Allez, reprends ta valise, je vais
t’en montrer une autre.
    Rosalie cette fois lui offrit une
pièce plus spacieuse, mieux éclairée par une grande fenêtre donnant sur le quai
du Point-du-Jour.
    Une fois seul, Saturnin ouvrit sa
valise pour la vider, commençant par la photo d’Hippolyte, Casimir, Griffu et
Brise-Tout prise par Puech peu de temps avant son départ, qu’il posa sur sa
table de nuit. Il répartit ses vêtements dans la commode et l’armoire et
réserva un tiroir pour le matériel d’entretien du webley bulldog à cinq coups offert
par Casimir pour son quinzième anniversaire.
    Avant de rejoindre ses hôtes, il
dégrafa son arme et la rangea avec les boîtes de balles calibre 32. Il conserva
son ceinturon dans lequel étaient dissimulés vingt napoléons de cinquante
francs. La bourse n’était qu’une ruse d’Hippolyte pour amener Rosalie à de
meilleures dispositions envers son petit-fils. L’avarice de l’épouse Deibler
était connue de tous.
    — Tu remarqueras vite que les
gens ont une propension réelle à respecter les riches. Pour la plupart,
l’argent est l’unique ressort de toute activité.
    — Il ne l’est pas pour
nous ?
    — Non, mais c’est parce que
nous en possédons en quantité suffisante. Sans cela, nous ferions comme tout le
monde.
    Quand il revint au salon, Rosalie
servait du porto à Yvon et à la voisine. Anatole, sa fille sur les genoux,
fumait une cigarette en prenant garde de ne pas l’enfumer. Il s’assit sur la
seule chaise vide et ne bougea plus, attendant qu’on lui parle. Rosalie lui
tendit un verre qu’il n’osa refuser. Il but une gorgée, reposa le verre et n’y
toucha plus.
    — Tu n’aimes pas mon
porto ?
    — Non, madame, ce n’est pas du
bon.
    La maîtresse de maison piqua un
fard, Yvon eut le hoquet, la voisine dissimula mal sa jubilation. Tous
regardèrent Anatole, s’attendant au pire. Celui-ci considérait Saturnin avec
attention. Il finit par dire avec un petit sourire :
    — C’est Hippolyte qui t’a
enseigné de toujours dire ce que tu penses ?
    — Oui. Il dit que c’est plus
simple que de mentir.
    — Il a sans doute raison, mais
t’a-t-il mis en garde contre les ennuis que cela pouvait t’attirer ?
    — Grand-père dit que la vérité
rend libre et qu’il vaut mieux se défier de ceux qui ne sont pas de cet avis.
    — D’où sort ce péquenot ?
D’une île déserte ? s’esclaffa Yvon.
    — Tu ne crois pas si bien dire,
murmura Anatole en songeant au mur d’enceinte de l’oustal Pibrac.
    — C’est la seconde fois que
vous employez ce terme, monsieur Yvon. Pourriez-vous m’en donner la définition
afin que j’agisse en conséquence ?
    L’arrivée d’Henri Desfournaux, de sa
femme Georgette et de Louis Rogis, père de celle-ci, dispensa Yvon de répondre.
Anatole fit les présentations.
    — Tu ne te souviens pas de
moi ? dit le corpulent Louis à l’air perpétuellement jovial. Remarque,
c’est normal, à l’époque, tu n’étais pas plus haut que ça.
    Il montra le dossier de sa chaise. A
quarante-cinq ans, Gros Louis, comme tous l’appelaient, cumulait ses fonctions
d’adjoint de deuxième classe avec celles de chauffeur de bateaux-mouches. A
force de jeux de mots, de calembours à répétition, de poil à gratter et de
loufoqueries en tout genre, il s’était taillé une réputation de bon gars
heureux de vivre derrière laquelle il dissimulait que sa seule raison d’être
était de couper des têtes. Là au moins, durant de merveilleux instants, il se
sentait quelqu’un d’important.
    L’époux de sa fille, Henri
Desfournaux, était descendant d’une ancienne famille
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