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Dans l'ombre de la reine

Dans l'ombre de la reine

Titel: Dans l'ombre de la reine
Autoren: Fiona Buckley
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d’abord traverser une antichambre bondée, puis franchir une porte encadrée par des gardes qui croisèrent leur lance devant nous jusqu’à ce que Lady Katherine eût indiqué nos noms. Alors, ils nous laissèrent passer dans un fracas métallique tandis qu’ils redressaient leurs armes.
    De l’autre côté se trouvait une salle au plafond décoré d’ors et de peintures, et aux murs tendus de tapisseries. Une foule de courtisans des deux sexes s’y pressait, et ma souveraine trônait sur une estrade, tout au bout d’une immense étendue de parquet que je devrais traverser au côté de Lady Katherine, sous les yeux de plusieurs centaines de personnes – du moins en avais-je l’impression.
    Tremblant intérieurement, je m’efforçai de garder la tête droite et le regard rivé sur la silhouette de la reine. De loin, elle ressemblait à une statue éblouissante, assise sur une chaise à haut dossier terminé en pointe. Par un phénomène étrange, elle ne devenait pas plus humaine à mesure que nous approchions. Ce n’était pourtant qu’une jeune femme, à peine plus âgée que moi puisqu’elle n’avait pas encore vingt-sept ans.
    Au pied de l’estrade, Lady Katherine et moi plongeâmes en une profonde révérence. Une voix froide, au ton uni, nous ordonna de nous relever, et Lady Katherine entreprit de me présenter dans les règles pendant que j’observais ma souveraine pour la première fois.
    Je levai les yeux et je vis…
    Une étonnante robe de satin gris cendré, scintillant de broderies d’or, à la taille si étroite qu’on avait peine à croire qu’elle pût contenir un corps humain. De multiples rangs de perles et d’autres encore au bord d’une fraise en dentelle ; des poignets assortis ; un diadème ; des cheveux roux clair formant une couronne de boucles.
    Cette parure était comme les défenses extérieures d’une forteresse. Au-delà, le visage en forme de bouclier, les yeux mordorés sous de fins sourcils arqués, la bouche bien dessinée constituaient eux aussi un rempart, car ils ne révélaient rien de ses pensées. Les traits immobiles et impassibles, elle ressemblait plus à une fée qu’à un être humain.
    Une main effilée aux ongles polis, mise en valeur par des bagues ornées de pierreries, fut tendue vers moi pour que j’y dépose un baiser.
    — Ainsi, vous êtes dame Ursula Blanchard, et votre mère, Anna Faldene, servit autrefois… à la cour.
    Je perçus la pause infime avant les derniers mots. Circonspecte, je répondis :
    — En effet, Votre Majesté.
    — Vous pouvez vous adresser à nous en disant « madame ». Nous voyons que vous portez le deuil, dame Blanchard. Est-ce pour votre époux ?
    — Oui, madame.
    — Nous tâcherons au mieux de remplir vos journées et d’apaiser votre affliction. À la cour, il serait tout à fait séant d’éclairer un peu vos vêtements noirs. Par un jupon blanc ou argent, peut-être, avec des manches assorties. Vous avez notre permission.
    — Merci, madame, répondis-je, sachant qu’il s’agissait d’un ordre déguisé.
    — Le noir et le blanc vous mettent en valeur, reprit Élisabeth. Saviez-vous que ce sont aussi mes couleurs ?
    — Non, Votre Maj… madame. Je l’ignorais, bredouillai-je en dépit des recommandations répétées de Lady Katherine.
    Je regardai la reine en face, espérant qu’elle ne l’avait pas remarqué ou, du moins, ne s’en irriterait pas.
    Tout à coup, elle sourit et j’entrevis la jeune fille sous le satin, l’or et les perles – la princesse au cœur de la forteresse.
    — Bienvenue à notre cour, dame Blanchard, me lança la reine Élisabeth.
    Le souvenir de ce brusque sourire demeura en moi le reste de la journée, mais quand, la nuit venue, je me retirai dans ma chambre à coucher, la tristesse et l’anxiété m’envahirent. Je m’étendis sur le lit à baldaquin, me languissant en vain de Gerald et de Meg et, pour couronner le tout, tourmentée par mes soucis financiers.
    La magie du sourire d’Élisabeth s’était dissipée. Seule demeurait l’obligation de porter des manches et un jupon clairs que je ne pouvais m’offrir, et de payer en outre une femme de chambre dont je ne voulais pas, tout en pourvoyant aux besoins de ma fille.
    Ainsi débutèrent des aventures que rien ne laissait présager, et dans lesquelles j’allais me trouver entraînée par le besoin et par la nécessité.

CHAPITRE II

En terrain dangereux
     
    Au matin, je m’éveillai
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