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Contes populaires de toutes les Bretagne

Contes populaires de toutes les Bretagne

Titel: Contes populaires de toutes les Bretagne
Autoren: Jean Markale
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éclair de méchanceté, tout cela
contribuait à inspirer à la fois de la pitié et une instinctive répulsion. Sous
le manteau, dont la forme était indécise tellement il était râpé, usé et
déchiré, son corps apparaissait, maigre et décharné, et il semblait au paysan,
quand elle remuait, qu’il entendait un bruit d’ossements entrechoqués.
    — Pour sûr, pensa-t-il, ce doit être une de ces
sorcières que l’Esprit malin entraîne avec lui, le soir, pour danser la ronde
autour de la pierre branlante de Brech, en compagnie des ozeganñed .
Elle se sera trop attardée cette nuit.
    Mais le paysan était bon chrétien. Il eut quand même pitié
de cette misérable créature.
    — Femme, lui dit-il, si vous allez à Pluvigner, la
route est encore longue et vous semblez bien fatiguée. Montez dans ma
charrette.
    — Volontiers, répondit-elle.
    Et, la figure grimaçante, appuyant son corps perclus sur son
bâton, elle se hissa dans la voiture, sans un geste de remerciement.
    Le paysan fouetta son cheval. L’animal partit au galop comme
s’il avait la mère du Diable sur son dos.
    Assise à l’arrière de la voiture, la vieille femme ne
bronchait pas et demeurait muette, mais ses lèvres dessinaient un mauvais
sourire, et, à travers son capuchon, ses yeux brillaient ainsi que des tisons.
Le paysan l’observait par-dessous son large chapeau, et ce n’était pas sans une
certaine inquiétude. Il se demandait si ce n’était pas un revenant, ou bien l’ Ankou lui-même, bien qu’il sût que l’ Ankou était un homme.
    L’attelage parvint au sommet d’une colline d’où l’on domine
tout le pays. Là-bas, au bout de l’horizon, pointant parmi les nuées sombres,
la flèche de l’église de Pluvigner se dressait, élancée et fière.
    — Qu’est-ce donc cela ? demanda la vieille
subitement revenue de sa torpeur.
    — Le clocher de Monsieur saint Guigner, maitre et
souverain patron du pays, répondit le paysan. L’église qui est à côté est le
sanctuaire de Madame Marie, reine des Orties [8] .
    — Vraiment, dit la vieille, Pluvigner me semble bien
protégé.
    De nouveau, elle retomba dans son silence glacial. Mais sous
son ample suaire, il parut à son compagnon que ses membres s’agitaient dans un tremblement
nerveux.
    La voiture, emportée par un galop rapide, atteignit bientôt
le Hirello. C’était une agglomération de chaumières d’aspect minable qui
formaient l’avant-bourg de Pluvigner. À côté, près du carrefour des routes
d’Auray et de Landévant, s’élevait une croix rustique en granit recouvert de
mousse.
    En l’apercevant, la vieille sursauta, les yeux pleins
d’épouvante.
    — Arrête, paysan ! cria-t-elle. Il faut que je
descende. Cette croix m’interdit de passer. En vérité, Pluvigner est trop bien
gardé. Je ne saurais réussir ici. Tu me retrouveras de l’autre côté du bourg.
    Ils se séparèrent, elle pour prendre à travers champs, lui
pour passer au pied de la tour. Il n’y avait personne dans la rue. Mais à peine
était-il engagé sur la route qui mène à Camors, le long de la pente du
Strakenno, qu’il vit accourir la vieille par des chemins détournés, l’air très
pressée, comme si elle fuyait un danger.
    Toujours clopinante et grimaçante, elle se hissa de nouveau
dans la voiture. Là, elle esquissa un geste de défi dans la direction de
Pluvigner et dit à son compagnon en se tournant vers lui :
    — À Camors !
    Le cheval repartit au galop. Or, comme ils gravissaient
la colline sur les flancs de laquelle s’allonge la forêt qui servit de repaire
au cruel Konomor, la nuit approchait, la pluie tombait plus fort et le vent
soufflait en rafales plus terribles. Le paysan n’était pas à son aise. Son
visage était couvert d’une sueur froide. Il pressait son cheval car il avait
hâte de se débarrasser de sa mystérieuse compagne de voyage.
    Enfin, au tournant de la route, il aperçut le clocher de
Camors, et devant lui les murs du cimetière. La vieille poussa une exclamation
de joie.
    — C’est ici, dit-elle, que je m’arrête. Aide-moi à
monter les marches de ce cimetière. Il y pousse de l’herbe, et les tombes n’y
sont guère entretenues. D’ailleurs, il y a encore beaucoup de place. Je me
charge de détruire cette verdure et de remuer cette terre. Quand ma besogne
sera terminée, les tombes seront tellement nombreuses qu’on ne trouvera plus un
coin où ensevelir les cadavres. C’est la Peste, paysan, que
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