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C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2
Autoren: Alain Decaux
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visite au nom de M. Lemerre, éditeur, et qu’il les a utilisées pour obtenir des places de théâtre gratuites. De la part du commissaire, le jeune Sacha Stavisky n’aura droit qu’à des paroles sévères. M. Lemerre n’a pas porté plainte.
    Le père est un homme d’une honnêteté irréprochable, un grand travailleur. Pourquoi le fils se situe-t-il aux antipodes ? Mystère de l’hérédité. La vérité est que Sacha aime la vie facile, à grandes brides. Il se sent des envies de luxe, il voudrait gagner beaucoup d’argent. Le drame est qu’il ne cultive que sa paresse. Travailler ? Quelle idée ! Alors, il a dérobé l’or acquis par son père pour ses prothèses et l’a revendu à des boutiquiers de la rue des Blancs-Manteaux. Bien sûr, M. Stavisky n’a pas déposé plainte.
    À vingt ans, Sacha s’est cru une vocation artistique. Il se range parmi ceux qui pensent – à tort – que le métier d’artiste rapporte beaucoup d’argent en exigeant peu d’efforts. Engagé comme comique dans un café-concert de l’avenue des Ternes, le public le chahute, crie qu’il n’est pas drôle. Il renonce.
    Peut-être s’en serait-il tenu là s’il n’y avait eu le grand-père. Il vient aussi de Russie, ce vieux monsieur au regard trop vif. Il aurait plutôt tendance à penser que tous les Français sont stupides et qu’il est possible, avec un peu de malice, de leur faire admettre n’importe quoi. La devise du grand-père Stavisky : rouler tous ceux qui sont prêts à se laisser gruger. Sacha l’admire.
    En 1909, précisément, le grand-père et le petit-fils s’associent. Jusqu’à présent, les Folies-Marigny – l’actuel théâtre Marigny – n’ont abrité de spectacles qu’en hiver. Abraham Stavisky a une idée : louer le théâtre pour la saison d’été. Or ni Abraham ni Sacha n’ont devant eux un sou vaillant. Ils vont donc recruter par petites annonces des concessionnaires pour le bar, le programme, la publicité. À chacun, ils réclament un cautionnement. Ils encaissent de la sorte 12 000 francs – des francs-or. Après quoi, ils résilient le bail et partent avec le magot. Pensaient-ils qu’aucune de leurs dupes ne réagirait ?
    Nous sommes en présence d’une constante qui se situe à l’origine même du comportement de l’escroc. Ce qui importe à celui-ci, c’est d’encaisser tout de suite de l’argent. Il ferme son esprit à la seule évocation des conséquences, pourtant prévisibles, du risque qu’il prend.
    Bien sûr, les victimes se plaignent. On ouvre une information judiciaire. Le grand-père Abraham meurt à point nommé. Voilà le jeune Sacha dans la nécessité de répondre seul de ses actes. D’emblée, il va se hausser à cent coudées au-dessus de feu son grand-père : il choisit comme avocat le frère d’un homme politique de très haut vol. M e   Albert Clemenceau obtiendra remise sur remise. L’affaire du Marigny ne sera plaidée qu’en 1912, plus de deux ans après l’ouverture de l’information. Stavisky sera condamné à quinze jours de prison avec sursis et 25 francs d’amende. Grande leçon. À vingt-trois ans, Sacha Stavisky a compris l’importance des relations et surtout des influences.
    En outre, ce beau gosse mince et brun ne compte plus les conquêtes féminines. Ses maîtresses l’hébergent quand il ne sait où coucher et souvent il leur doit son argent de poche. Ces succès médiocres ne correspondent en rien à ses rêves de fortune et de puissance. Il ne sait pas encore s’habiller, il n’est guère soigné : cheveux longs dans le cou, petite moustache, regard assez veule. Marié en 1910, il divorce presque aussitôt, ouvre un cabinet de contentieux rue Caumartin, se lance dans des entreprises qui tournent court. De nouvelles plaintes sont déposées contre lui. Il doit s’enfuir à Bruxelles. On le condamne deux fois pour abus de confiance.
     
    Quand la guerre éclate, il s’engage. Une bonne note, enfin ? Il part dans le train des équipages. Cependant, en janvier 1915, on le réforme. Il a vingt-huit ans.
    De la guerre, il rapporte une chance inespérée : l’amnistie, en qualité d’ancien combattant, de ses précédentes condamnations ! Fort de ce casier judiciaire soudainement vierge, il se campe face à Paris, dents plus longues que jamais. Son entregent lui fait obtenir du gouvernement italien une commande de vingt mille bombes en tôle. Il sous-traite le marché à une entreprise de
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