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C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2
Autoren: Alain Decaux
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I

Stavisky ou la corruption
    8 janvier 1934
    Un homme martèle une porte à grands coups de poing. De l’intérieur, une voix angoissée s’élève.
    — Qui est là ?
    — Ouvrez ! Police !
    Aussitôt, à travers le battant, une détonation retentit.
    Personne n’ignorera plus bientôt que, le 8 janvier 1934, à Chamonix, dans une chambre du chalet le Vieux Logis, Stavisky s’est donné la mort. À l’origine d’une escroquerie sans égale, il va ébranler le régime parlementaire français.
    La République sera mise en péril par la faute de l’homme qui gît sur le sol, la tête baignant dans le sang.
     
    Le Tout-Paris le connaissait sous le nom de Serge Alexandre. Un mois plus tôt, cependant que l’on achevait l’aménagement de son hôtel particulier de la rue de Berri, il résidait encore au Claridge, un palace. À ses réceptions se pressaient les ministres, les parlementaires, les généraux, les magistrats. Il était propriétaire d’un théâtre et d’une écurie de courses. Aux tables des casinos, il hasardait des bancos de plusieurs millions. Il laissait dans son sillage comme une traînée de puissance et de gloire, celles que procure la grande richesse. Partout, on saluait avec obséquiosité M. Alexandre. On ne savait pas très bien d’où lui venait l’argent qu’il répandait, tels ces nababs dont on célèbre la légende. À ceux qui s’interrogeaient, les gens informés répondaient :
    — Il fait des affaires.
    Joseph Kessel, cherchant de l’argent pour le journal qu’il préparait avec son frère, s’était rendu à ses bureaux de la place Saint-Georges. Il avait découvert des « chambres sévères et ternes », un « mobilier lourd et triste », des « étages retentissant du cliquetis des machines à écrire », de « grandes salles avec des tables massives, pour conseils d’administration ». Tout cela avait frappé – ô combien ! – l’auteur de L’Équipage  : « Il n’y avait même pas, dans cette maison, l’affectation d’éclat et de luxe qui, parfois, éveillent la méfiance. Tout paraissait pesant, sérieux et un peu poudreux. On eût dit qu’Alexandre montrait là le sérieux de son personnage, contrepoids nécessaire à ses sorties frivoles, à ses parties enragées… Des dactylographes, des secrétaires passaient à travers le bureau, recevaient des ordres, repartaient. Des avocats, qui semblaient là en permanence, répondaient à des questions, éclaircissaient des points de droit. Les propos étaient assourdis par le fracas des autobus qui roulaient sur le pavé de Montmartre, mais tout montrait la santé, la bonne humeur, l’élan d’une affaire importante  (1) . »
    En attendant d’être reçu par M. Alexandre qui téléphonait à Budapest, Kessel n’avait pas manqué de compagnie : M. Dorn y de Alsoa, diplomate sud-américain, boutonnière ornée de l’insigne de grand-croix de la Légion d’honneur, était venu le saluer. Un vieux général barbu l’avait relayé. Décidément, rien que du beau monde. Enfin, on l’avait introduit.
    M. Alexandre avait quarante-sept ans. Il en paraissait dix de moins. Ce qui frappait, c’était le contraste entre le haut du visage, énergique et ferme, où brillaient des yeux noirs, et la moitié inférieure, marquée surtout par la mollesse du menton. Même dissonance dans la voix « impérieuse et douce, claire et réticente, conduite prudemment et soudain rompue par quelque éclat vulgaire ».
    M. Alexandre allait remettre à Kessel un chèque de 25 000 francs destiné à la souscription ouverte pour son journal. Une poignée de main, un sourire, un conseil :
    — Faites-moi signe au moment où vous appellerez le reste du capital et où vous constituerez la société. Je m’y connais certainement mieux que vous.
    Qui, à part quelques policiers, aurait eu l’audace de se souvenir que M. Alexandre s’était appelé Sacha Stavisky et que la police l’interrogeait déjà en 1909 ?
     
    Né le 20 novembre 1886 à Slobodka, en Ukraine, il a vingt-trois ans cette année-là. En 1900, les Stavisky ont fui les pogroms qui frappaient quasi rituellement les Juifs de Russie. Ils sont venus s’installer à Paris où, assez vite, on leur a accordé la naturalisation. Le père, dentiste, a installé son cabinet rue de la Renaissance, dans le quartier des Champs-Élysées. Si son fils Sacha comparaît devant le commissaire de police, c’est qu’il a fait imprimer des cartes de
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