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Carnac ou l'énigme de l'Atlantide

Carnac ou l'énigme de l'Atlantide

Titel: Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
Autoren: Jean Markale
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secours du manque d’information, et il rend
compte de l’admiration populaire devant un tel déplacement de pierres par des
techniques inconnues et pour des motifs toujours mystérieux mais que l’on
imagine volontiers comme étant religieux ou magiques. Le passé a quelque chose
d’envoûtant, et il grandit toujours les êtres et les faits jusqu’à la
démesure.
    Mon premier contact avec Carnac est de ce type. Surgissant d’un
seul coup des landes plantées de résineux, je découvris un immense champ de
pierres levées qui s’accrochaient encore aux griffes des ajoncs. C’était au
Ménec, je crois, le plus fantastique des alignements parce qu’on peut en voir d’un
regard unique le lent déroulement sur les ondulations d’un sol qui se prête à l’évocation
des vagues de la mer. Et puis ce fut la ruée d’enfants quelque peu dépenaillés
– cela était certainement voulu et ajoutait au pittoresque, en cette
époque. Ils s’étaient jetés sur nous dans l’espoir de recevoir quelques menues
pièces de monnaie pour les récompenser de leurs explications. Et quelles
explications… L’un deux prit la parole et débita la leçon que ses parents ou
grands-parents lui avaient apprise. Cela ne manquait pas de charme, d’ailleurs :
« Autrefois, saint Kornéli était poursuivi par des soldats ennemis. Il s’enfuyait
dans un char tiré par des bœufs, mais les ennemis, qui étaient très nombreux, étaient
sur le point de le rattraper. Alors saint Kornéli demanda à Dieu un miracle. Il
dit une prière et, en se retournant, il fit le signe de la croix. Aussitôt, tous
les soldats ennemis s’immobilisèrent et furent changés en pierres. C’est
pourquoi vous voyez aujourd’hui tant de pierres dans les champs de Carnac, et, en
souvenir de ce miracle, les pierres sont nommées soudarded sant Korneli, c’est-à-dire
« soldats de saint Kornéli » Et elles demeureront là pour l’éternité. »
    Les enfants reçurent la manne qu’ils étaient venus quêter et
se précipitèrent vers un autre groupe de gens qui venaient d’arriver. L’ombre
de l’hypothétique saint Kornéli planait sur les menhirs comme un grand oiseau
venu de la mer pour se heurter à la froidure de la roche. Ce jour du mois d’août
1948, je ne pouvais m’imaginer ce qui se passerait dans le même lieu
trente-trois ans plus tard, en janvier 1981. Les hordes de gamins dépenaillés
ont disparu : ce n’était plus rentable. Mais j’avais bâti le fil d’un
petit film pour la Télévision sur le thème de Carnac, avec deux personnages
principaux, la conservatrice du musée et un enfant de douze ans que nous avions
extrait, en conformité avec tous les règlements administratifs, pour évoquer la
poésie du lieu dans son essence et sa naïveté. L’enfant parlait le langage du
pays, se faufilant à travers les pierres et répétant ce qu’on lui avait récité
depuis son plus jeune âge. Anne, la conservatrice du musée, très maternelle, mais
s’efforçant aussi de rectifier l’imaginaire et de lui accoler quelques bonnes
réflexions d’ordre scientifique, venait envahir le champ de
vision, surgissant de derrière un menhir au moment précis où l’enfant se
livrait à son délire inconscient. En fait, ce furent de belles séquences. Eh
bien, au Ménec, en un jour de janvier 1981, alors que l’enfant venait de
raconter la légende de saint Kornéli sur son char à bœufs, un paysan pénétra
sur le terrain, sur un char tiré par deux vaches blanches et noires. C’était
plutôt inattendu, et plutôt rare à une époque où le tracteur a mis en fuite les
derniers étalons et les derniers bœufs de nos campagnes enrubannées de brume. Mon
vieux complice, le réalisateur Robert Maurice, ne perdit pas de temps : il
ordonna au cadreur (puisque tel est le nom officiel et français que l’on
donne maintenant au cameraman) de saisir l’occasion : saint Kornéli était
là, devant nous, et il fallait ne pas l’oublier. La pellicule en porte la trace,
comme elle porte la marque de Robert Maurice, ce vieux complice et ami sincère,
disparu depuis vers des rivages d’Autre Monde, et que je n’évoque pas sans
nostalgie. C’était dans le temps, voyez-vous, dans un temps où l’on croyait
encore aux merveilles…
    Mais en cet été 1948, comment aurais-je pu imaginer ce futur
lointain. Je n’avais aucune idée de ce qu’étaient réellement les menhirs des
alignements de Carnac. Je savais vaguement qu’ils
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