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Carnac ou l'énigme de l'Atlantide

Carnac ou l'énigme de l'Atlantide

Titel: Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
Autoren: Jean Markale
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de Palestine, faisait partie de mon univers familier, et le fait que
ma grand-mère lui vouait un culte tout particulier ne faisait qu’accroître l’intérêt
que j’éprouvais pour elle. J’avais l’impression de perpétuer une lignée
sacerdotale, de prolonger un rituel qui remontait à la nuit des temps et qui
faisait de moi le dernier dépositaire des secrets de l’antique christianisme
celtique, une forme de christianisme qui n’a d’ailleurs absolument rien à voir
avec l’Église romaine, apostolique et catholique. L’hérésie
me tenaillait déjà en ces temps de recherche passionnée de mes racines, et je
me sentais davantage le disciple de Pelage que celui de saint Augustin, sans
pour autant déterminer quelles étaient les raisons qui m’inclinaient à ce choix.
    C’est donc à partir de Sainte-Anne-d’Auray que nous
aboutîmes aux champs de menhirs de Carnac, et encore une fois au Ménec. J’ignorais
alors Kermario et Kerlescan, qui ne sont pas moins fantastiques, ni moins intéressants.
Il faisait très chaud, très lourd. Le soleil, qui avait brillé au début de la
journée, s’était estompé dans une brume dorée qui faisait flotter autour de
nous les ombres des pins des landes voisines. Par-ci, par-là, des touffes d’ajoncs
brillaient de toutes leurs couleurs d’or rouge. De la terre montaient des
effluves, des traînées lourdes, comme si brusquement le sol allait s’entrouvrir
pour faire jaillir des flammes. L’orage menaçait depuis longtemps. Il était
venu du fond des âges, et il s’éveillait à notre approche, comme si ce vaste
champ de menhirs, que je considérais déjà comme un sanctuaire, n’attendait que
nous pour vibrer de nouveau, face au ciel, face à la terre, face à la mer qu’on
sentait présente non loin de là derrière un écran d’arbres et de maisons.
    Et le tonnerre roula longuement à travers les allées, répercutant
son écho de pierre en pierre, s’insinuant à loisir entre les touffes d’ajoncs, rampant
le long des sentiers, se brisant, se recréant, s’étourdissant, se diluant dans
l’étreinte infinie des nuages. L’orage n’était pas sur nous. En fait, il devait
être assez loin, vers le sud, à Quiberon vraisemblablement, mais il était
cependant présent comme une bête qui se tapit en attendant le passage de sa
proie. Étions-nous la proie qu’elle guettait ? Les sourds grondements qui
nous parvenaient augmentaient mon angoisse : je ne savais plus discerner, dans
les sensations qui s’offraient à moi, quelles étaient les réalités d’un monde
quotidien et celles d’un Autre Monde dont les portes s’ouvraient sous mes pieds.
    Je n’ai pas eu souvent des impressions de ce genre. Elles
furent rares, et brèves, dans ma vie, et toujours en compagnie d’une femme médiatrice
entre les forces d’ici et les forces de là-bas. Je ne peux m’empêcher d’évoquer
un autre territoire mégalithique, très peu vaste, celui-là, en forêt de
Brocéliande, qu’on appelle le « Jardin des Moines », et qui se trouve
près d’une grande lande désolée, au-dessus de Tréhorenteuc. Dans ces époques, déjà
lointaines pour moi, je n’en connaissais que l’emplacement, et seuls quelques
morceaux de pierres dépassaient d’un sol couvert de ronces, de genêts, de
bruyères et d’ajoncs. Claire ne l’a jamais vu, découvert, gratté, creusé, approfondi. Ce n’est que trente-sept ans plus tard que je l’ai découvert dans sa nudité,
et j’étais avec Môn. Les blocs de pierres, étrangement disposés en trois
enceintes circulaires, nous proposaient des énigmes. La première fois que nous
le vîmes, Môn et moi, nous entendîmes, dès notre arrivée, un bruit sourd qui
semblait nous avertir de quelque chose. « Les esprits frappeurs, disait Môn,
sont toujours porteurs d’un message. » Nous y revînmes le soir du 31
octobre, c’est-à-dire au moment de la grande nuit de l’an, de la grande fête
celtique de Samain, à l’heure où les tertres qui abritent les Dieux et
les Morts s’ouvrent à la pénétration des encore vivants. Nous y fûmes un long
moment, prostrés comme pour l’éternité. Je me sentais dilué dans le monde des
pierres et de la cendre, dilué, anéanti, vidé de toute ma substance, déjà de
l’autre côté. Ce fut Môn qui me tira de mon engourdissement. Elle avait
peur. Elle me dit que nous allions nous enfoncer dans la terre, et nous perdre
à tout jamais dans un monde de violence et de
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