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Borgia

Titel: Borgia
Autoren: Michel Zévaco
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sorte de bouchon de bas étage où le voyageur altéré ne trouvait pour se rafraîchir qu’un mauvais vin et de l’eau tiède. Un jardin s’étendait contre cette masure, le long de la route, dont il n’était séparé ni par un fossé, ni par une palissade quelconque. Dans ce jardin quelque chose se dressait, qui avait la prétention de ressembler à une tonnelle.
    C’est sous cette tonnelle recouverte d’une toile, à défaut de verdures grimpantes, que déjeunait en effet le chevalier de Ragastens.
    – Voilà l’homme ! fit le moine.
    César examina d’un œil sombre le jeune homme qui, à l’arrivée soudaine de ces nombreux cavaliers, avait salué, puis s’était remis tranquillement à son déjeuner.
    Ragastens avait reconnu le moine et, aussitôt, il avait rajusté la ceinture de cuir qui soutenait son épée et qu’il avait dégrafée. Puis, son œil perçant, en parcourant le groupe, avait aussi reconnu un autre homme. Et celui-là, c’était César Borgia !…
    – Parbleu ! murmura le chevalier entre ses dents, la rencontre est admirable. Ou je me trompe fort, ou ma bonne étoile m’a ménagé une heureuse surprise…
    Cependant, Borgia s’était tourné vers les jeunes seigneurs qui l’entouraient et, s’adressant à l’un d’eux :
    – Que te semble, dit-il d’un ton goguenard, de cet illustre seigneur qui déjeune en ce palais ? Parle franchement, Astorre.
    Le chevalier ne perdit pas une syllabe de cette interrogation et il en saisit le sens méprisant.
    – Oh ! oh ! pensa-t-il, je crois que décidément la surprise n’aura rien d’heureux et que ma bonne étoile n’y est pour rien…
    Le seigneur que Borgia avait interpellé s’était avancé de quelques pas. C’était un homme d’une trentaine d’années, taillé en hercule, avec une encolure de taureau, des yeux sanglants… Il avait, à Rome, une réputation de spadassin terrible. Les quinze duels qu’on lui connaissait s’étaient terminés par quinze morts.
    Le colosse considéra un instant le chevalier et éclata d’un gros rire.
    – Je pense, dit-il, que je vais donner à ce magnifique inconnu l’adresse du savetier qui raccommode les bottes de mes domestiques…
    Il y eut un éclat de rire général. Borgia seul demeura sérieux, mais il fit un signe imperceptible à Astorre. L’imagination de celui-ci étant à bout de ressources, il se contenta de répéter la même plaisanterie :
    – Je lui donnerai aussi l’adresse d’un tailleur pour recoudre son pourpoint… Mais j’y pense, ajouta-t-il…
    Il s’avança encore.
    – Eh ! monsieur… je veux vous rendre un service… car votre air me plaît…
    Le chevalier de Ragastens se leva alors et s’avançant à son tour :
    – Quel service, monsieur ? Voudriez-vous, par hasard, me prêter un peu de cet esprit qui pétille dans vos discours ?
    – Non, répondit Astorre sans comprendre. Mais si vous voulez passer chez moi, mon valet a mis de côté son dernier costume… Je lui ordonnerai de vous en faire présent… car le vôtre me paraît en mauvais état.
    – Vous faites allusion sans doute, monsieur, aux nombreuses reprises qui ornent mon pourpoint ?…
    – Vous avez deviné du premier coup !…
    – Eh bien, je vais vous dire… Ces reprises sont une mode nouvelle que je veux acclimater en Italie… Aussi, il me déplaît fort que votre pourpoint, à vous, soit intact, et j’ai la prétention d’y pratiquer autant d’entailles qu’il y a de reprises au mien…
    – Et avec quoi, s’il vous plaît ?…
    – Avec ceci ! répondit le chevalier.
    En même temps, il tira son épée. Astorre dégaina.
    – Monsieur, dit-il, je suis le baron Astorre, garde noble, avantageusement connu à Rome.
    – Moi, monsieur, de la Bastille, au pied de laquelle je suis né, jusqu’au Louvre, on m’appelle le chevalier de la Rapière… parce que ma rapière et moi ne faisons qu’un… Est-ce que ce nom vous suffit ?…
    – Un Français ! murmura César Borgia étonné.
    – Va pour la rapière, riposta Astorre. Cela me permettra de faire coup double… car je vais vous briser et vous percer en même temps…
    Les deux hommes tombèrent en garde et les fers s’engagèrent.
    – Monsieur le baron Astorre, vous qui avez un si bon œil, avez-vous compté combien il y a de reprises à mon pourpoint ?
    – Monsieur La Rapière, j’en vois trois, répondit Astorre en ferraillant.
    – Vous faites erreur… Il y en a six…
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