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Berlin 36

Berlin 36

Titel: Berlin 36
Autoren: Alexandre Najjar
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profondément. Il avait appris, tout au long de sa carrière de sportif, à écouter son corps. Or, quelque chose ne tournait pas rond : il se sentait oppressé, et cette sensation ne pouvait être que la conséquence d’un dérèglement grave. Il pénétra dans une cabine publique et appela son médecin, le Dr Ritter, qui lui demanda de le retrouver immédiatement à l’hôpital. Il téléphona ensuite à Beverly, la benjamine de ses trois filles, et la pria de venir le chercher à l’aéroport de Chicago.
    — Tout va bien, Daddy  ?
    — Oui, tout va bien, ne t’en fais pas.
     
    A peine sorti de l’aéroport, Jesse demanda à Beverly de l’emmener à l’hôpital pour un check-up de routine. Elle obéit et le déposa au Michael Reese Hospital où il se fit examiner par son médecin.
    — Alors, docteur ? lui demanda Jesse en se rhabillant comme autrefois dans les vestiaires.
    — Le niveau d’oxygène est très bas. Je me demande comment tu peux encore marcher.
    — C’est la foi, docteur, c’est la foi qui me fait marcher.
     
    Beverly ramena son père à sa maison d’East 55th Street. Elle appela sa mère qui se trouvait dans l’Arizona et lui demanda de rentrer au plus vite. Puis elle gagna la cuisine pour préparer une soupe. De retour au salon, elle se figea : assis dans un fauteuil, son père se tenait la tête entre les mains, prostré.
    — Que se passe-t-il ?
    — Je sens que c’est grave, Beverly. C’est le début de la fin.
    Elle s’approcha de lui et lui caressa le front.
    — Ne dis pas ça, Daddy  ! Tu as toujours été un battant. Ne laisse pas la maladie te vaincre !
    — Ce n’est ni la mort ni la maladie qui m’attristent. C’est l’idée de vous quitter.
    Beverly l’enlaça en retenant ses larmes.
     
    Le lendemain, le Dr Ritter appela Ruth qui se trouvait à la United Charities de Chicago. Il demanda à la voir de toute urgence en compagnie de sa famille. Alarmées, la mère et les trois filles se réunirent aussitôt chez lui.
    — Il s’agit d’un cancer de la gorge, leur annonça-t-il d’un ton grave. Ses chances de survie sont minimes. Nous devons l’hospitaliser.
    Ruth demeura un moment sans voix. Puis elle dit :
    — Il n’acceptera jamais. Il aime trop la vie…
    — Il le faut, madame Owens. Dites-lui que c’est pour une seule nuit, nous le garderons le temps qu’il faudra.
    — Je ne peux pas lui mentir, docteur, répliqua Ruth en secouant la tête. Je ne lui ai jamais menti.
     
    Jesse commença par refuser d’être hospitalisé. Mais face à l’insistance de sa famille, il finit par céder.
    — Combien de temps me reste-t-il à vivre ? demanda-t-il à sa femme en rangeant ses effets personnels dans un sac.
    — Je préfère ne pas en parler, Jesse.
    — Je t’en prie, mon amour, dis-le-moi. Tu me dois la vérité !
    Ruth garda le silence un moment, puis leva trois doigts.
    — Trois ans ? s’exclama-t-il, horrifié.
    Ruth baissa les yeux.
    — Non, Jesse, balbutia-t-elle. Trois mois.
     
    Jesse Owens commença sa chimiothérapie et quitta l’hôpital en janvier pour se rendre au Cancer Center de l’université d’Arizona à Tucson. A l’aéroport O’Hare, il refusa de s’asseoir sur la chaise roulante que lui proposait une hôtesse.
    — Pourquoi pas ? lui demanda Ruth.
    — Un quadruple champion olympique sur un fauteuil roulant ? Tu t’imagines ? C’est une question de dignité !
    Elle n’insista pas. A l’arrivée, Jesse fut accueilli par son ami, le journaliste Paul Neimark – avec qui il avait coécrit quatre livres sur sa vie.
    — J’ai quelque chose pour vous, lui dit Paul en lui offrant un paquet.
    — Qu’est-ce que c’est ?
    — Des balles de golf.
    Jesse sourit tristement.
    — Des balles de golf pour un homme qui se meurt ! chuchota-t-il à l’oreille de sa femme.
     
    Pendant cette période, le héros de Berlin sombra dans la dépression. Il ne sortait plus, refusait les entretiens, passait son temps à regarder des westerns à la télévision. A plusieurs reprises, Ruth le surprit en train de pleurer. Un matin, elle le trouva évanoui. Sur-le-champ, elle le fit transporter aux urgences. Il demeura à l’hôpital deux semaines sans que la presse n’en sût rien, puis revint chez lui. C’est à cette époque qu’on le sollicita au sujet de la décision du président Jimmy Carter de boycotter les Jeux de Moscou en signe de protestation contre l’invasion soviétique en Afghanistan.
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