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Berlin 36

Berlin 36

Titel: Berlin 36
Autoren: Alexandre Najjar
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révolte. Les forces de l’ordre avaient réprimé avec violence les manifestations d’étudiants, sans doute contaminés par la fièvre qui avait déjà touché le monde, notamment la France où le mois de mai avait été particulièrement agité, mais aussi Prague, Rome et Tokyo. « No queremos Olimpiadas, queremos revolucion » (Nous ne voulons pas d’Olympiades, nous voulons la révolution) proclamaient les mouvements estudiantins, horrifiés par la tuerie de Tlatelolco où la police avait tiré sur la foule. Bien qu’il fût ému par ces événements, Jesse Owens considérait que rien ne devait gâcher la fête olympique organisée en l’honneur du sport. Il descendit de la limousine qu’on avait mise à sa disposition, épingla son badge VIP sur sa veste et se dirigea vers la tribune d’honneur. L’épreuve du 200 mètres allait bientôt commencer. Il plissa les yeux et se revit, trente-deux ans plus tôt, à l’Olympiastadion, parcourant cette même distance pour remporter la médaille d’or.
    Le coup de feu du starter retentit. Les athlètes s’élancèrent sur la piste avec, en tête, deux Noirs américains issus de l’université de San José : Tommie « Jet » Smith et John Carlos. Jesse Owens sourit : stimulés par son exploit à Berlin, les coureurs de couleur avaient envahi les stades et multipliaient les bonnes performances. Malgré l’abolition officielle de la ségrégation, les Noirs peinaient à s’imposer dans la société américaine ; l’assassinat récent de Martin Luther King par un Blanc avait ranimé les rancoeurs : un peu partout aux Etats-Unis, les réactions de colère avaient fait une cinquantaine de morts et une centaine de blessés. Mais les Afro-Américains, comme on les appelait à présent, parvenaient à se faire un nom dans le domaine sportif : aux Jeux de Rome, en 1960, plusieurs d’entre eux, tels Cassius Clay, Eddie Crook, Wilma Rudolph, Wilbert McClure, Rafer Johnson, Lee Calhoun, Willie May, Otis Davis, Ralph Boston ou John Thomas, s’étaient brillamment illustrés, et un Ethiopien, Abebe Bikila, avait remporté pieds nus le marathon, devenant ainsi le premier champion olympique d’Afrique noire !
    Au terme d’une course d’autant plus éprouvante qu’elle se déroulait en altitude, Smith et Carlos remportèrent les médailles d’or et de bronze. Avec un temps de 19 secondes 8/10, le premier établit même un nouveau record du monde. Jesse Owens exulta. Mais sa joie fut de courte durée : contre toute attente, lorsque les deux sprinters montèrent sur le podium pour recevoir leurs médailles, ils brandirent un poing ganté de noir vers le ciel en signe de soutien au Black Power qui luttait contre la discrimination raciale, et baissèrent la tête quand résonna l’hymne des Etats-Unis. Jesse remarqua qu’ils portaient des chaussettes noires aux pieds, un foulard noir au cou et un maillot de corps noir. Outré, il bondit de son siège. Que signifiait ce comportement ? Comment pouvait-on renier l’hymne de son propre pays ? A Berlin, malgré la présence du Führer, il avait fait le salut militaire par respect pour le drapeau étoilé. Pourquoi ces deux matamores ne faisaient-ils pas de même ?
    — C’est scandaleux ! lui glissa le président du Comité olympique américain, visiblement choqué. Ou ces lascars s’excusent tout de suite, ou bien le CIO les suspendra à vie !
    Jesse frémit. A la tête du CIO, il y avait désormais Avery Brundage dont il avait, par le passé, éprouvé l’intransigeance et les méthodes expéditives.
    — N’envenimez pas les choses, lui demanda-t-il. Je vais leur parler !
     
    Le lendemain, à midi, Jesse Owens gagna l’immeuble où logeait la délégation américaine et demanda à rencontrer les deux rebelles de la veille. On l’introduisit dans une salle bondée, peuplée d’une trentaine d’athlètes noirs et blancs, le visage crispé, les yeux hagards.
    — Je dois vous parler, commença Jesse. Mais je préfère que nos frères blancs sortent. Le sujet ne les concerne pas.
    — Non, monsieur Owens, nous ne sortirons pas, répliqua un sportif blanc dont il ignorait le nom. Votre combat est le nôtre !
    Jesse Owens n’insista pas. Il haussa les épaules, puis, s’adressant à Tommie Smith et John Carlos, leur déclara d’une voix grave :
    — Il y a des situations où la victoire en soi est symbolique. La vôtre, comme la mienne à Berlin, l’était certainement. Mais vous
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