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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous
Autoren: Maurice Denuzière
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amoureux, à l'âge de seize ans, alors qu'il était encore collégien, de la fille d'un magistrat des Comptes. Cette idylle faisait encore jaser, d'autant plus que le poète s'était permis, dix ans après cette aventure contrariée, de confesser, dans son Excuse à Ariste  :

    Je me sens tout ému quand je l'entends nommer […]
    Je ne vois rien d'aimable après l'avoir aimée.

    Personne ne sait si cette histoire d'amour émoustilla le jeune Cavelier, dont les aspirations sentimentales demeurent, aujourd'hui encore, un mystère. Si nous connaissons de façon assez précise et détaillée le déroulement de la carrière de l'explorateur, ses itinéraires, ses épreuves, les intrigues ourdies contre lui et même ses comptes, nous ne savons rien de sa vie amoureuse. Ses biographes se demandent même si les femmes ont jamais intéressé ce gaillard, qui paraît n'avoir eu pour maîtresse attitrée que son ambition de fonder une Amérique française. Les chroniqueurs ne lui connaissent, par on-dit, qu'une seule aventure dont il se défendit toujours d'être le héros.
    L'image d'un gentilhomme aussi abstinent qu'il était sobre est plus édifiante pour la postérité que celle d'un défroqué libertin.
    On peut penser qu'en se rendant de la rue du Bec, où habitaient ses parents, à la rue du Maulevrier, où se trouvait le collège, René Robert Cavelier croisait parfois dans les rues de Rouen le grand Corneille, qui habitait rue de la Pie, près du Vieux-Marché. Certains biographes avancent que le futur explorateur fut le condisciple d'un des fils du poète, qui eut sept enfants entre 1642 et 1656.
    C'est sans doute sur les quais de Rouen où, après de longues courses sur les mers, les vaisseaux de haut bord venaient éparpiller leurs cargaisons exotiques, comme le voyageur vide ses poches devant la famille ébahie, que Robert eut vent de son destin et sentit naître sa vocation. Ce taciturne dut se faire très vite une certaine idée de la colonisation.

    Rouen, porte des Amériques
    L'Amérique doit beaucoup à Rouen. Depuis le commencement du XVI e  siècle, le port était siège d'une Amirauté à « table de marbre 6  » qui avait à connaître de toutes les causes concernant la police et le commerce maritimes, tant au civil qu'au criminel. C'est de là qu'était parti, en 1503, le capitaine Paulmier de Gonneville, commandant l' Espoir , un navire de cent vingt tonneaux armé par des négociants rouennais. Il avait reconnu les côtes du Brésil et ramené un Indien nommé Essoméricq qui devait épouser une cousine du navigateur. Un autre marin de Rouen, nommé Canart, pilote à bord du bateau commandé par le Honfleurais Jean Denis, ou Denys, avait, la même année, visité Terre-Neuve et l'embouchure du Saint-Laurent. En 1508, le Dieppois Thomas Aubert, sur la Pensée , un navire armé par Jean Ango, avait fait sensation en ramenant à Rouen, avec leurs vêtements et leur équipement, sept Indiens Beothuk enlevés sur la côte orientale de Terre-Neuve. Le célèbre imprimeur Henri Estienne a laissé une description de ces Indiens importés. On devait encore parler d'eux, dans les familles ayant des intérêts en Nouvelle-France, quand Cavelier de La Salle était enfant.
    Ce sont les banquiers florentins de Lyon et des membres de la colonie italienne de Rouen qui commanditèrent, le 23 mars 1523, Giovanni da Verrazano pour conduire « un voyage d'exploration à travers des royaumes différents des pays rencontrés par des Portugais ». Les Portugais visés étaient, bien entendu, Magellan et ses compagnons qui, l'année précédente, avaient bouclé pour la première fois le tour du monde. Pour les grands négociants en soierie, le détroit auquel Fernão de Magellan avait donné son nom, avant d'être assassiné aux Philippines par des indigènes, était, d'après l'historien de la marine Charles de La Roncière, « beaucoup trop méridional pour devenir une route commerciale entre l'Europe et l'Asie ». Il convenait donc d'en découvrir une plus courte et plus rentable. N'ayant pu trouver le fameux détroit interocéanique, Verrazano, qui avait tout de même reconnu l'embouchure de l'Hudson puis débarqué sur la presqu'île de Manhattan, aussitôt baptisée Angoulesme, pour plaire à François I er , ne pensa qu'à reprendre la mer. Ce furent les Rouennais Adam Godefroy et Alonce de Civille, associés à l'armateur Jean Ango, à l'amiral Philippe de Chabot et au contrôleur des finances
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