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Amours, Délices Et Orgues

Amours, Délices Et Orgues

Titel: Amours, Délices Et Orgues
Autoren: Alphonse Allais
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intéressante question des phares.
    La vue et l’ouïe, disais-je, sont, dans bien des cas, au-dessous de leur mission.
    D’autre part, les sens du toucher et du goût ne sauraient, dans une question de récifs, être de la moindre utilité.
    Reste le sens de l’odorat.
    Personne, jusqu’à présent, n’a songé à employer le nez pour flairer le roc prochain.
    Et je proposai à l’administration compétente de créer des bouées à odeur pour parages dangereux.
    Pourquoi donc pas ?
    Voyez-vous d’ici le tableau : une nuit noire épaissie d’un brouillard compact. Pas un feu sur terre, pas une étoile au ciel !
    Comme musique, le sifflement du vent dans les cordages, le fracas des vagues, les cris des femmes et des enfants.
    Où sont-ils, les pauvres matelots ! Dieu seul le sait et peut-être n’en est-il pas bien sûr !
    Tout à coup, le capitaine a reniflé par N.-N.-O. un puissant relent de vieux roquefort et par S.-E. une fine odeur de verveine.
    Il consulte sa carte (une carte qu’on dressera ad hoc ), et reconnaît sa position.
    Sauvés ! merci, mon Dieu !
    Il manœuvre en conséquence, et une heure après, le navire est au port ; tout le monde, matelots et passagers, entonnent, les uns des hymnes de grâce, les autres, des grogs bien chauds.
    Malheureusement, tout cela n’est qu’un rêve.
    La routine, la hideuse routine est là, qui veille, barrière à toute idée neuve, à tout progrès, à tout salut !
    Vous me croirez si vous voulez, l’administration des Phares ne m’accusa même pas réception de mon projet de smell-buoy .
     
    BATRACHOMATISME
    Peut-être se souvient-on de la vigoureuse campagne menée par moi dans ces colonnes pour l’emploi des moteurs animés en remplacement des machines à houille, à pétrole et autres analogues.
    L’idée fait son chemin.
    Sous l’énergique impulsion d’un grand constructeur de Malines, M. Louis Delmer, l’ hippomobilisme est en train de devenir une des plus importantes industries modernes.
    Plusieurs hippocycles circulent à merveille sur les routes d’Angleterre.
    M. Adrien de Gerlache, le hardi marin belge qui se prépare à l’exploration du Pôle Sud, a commandé chez un constructeur de navires de Christiandsand trois bear-boats , sorte de canots dont l’hélice est actionnée par un ours blanc tournant dans une cage, tel parfois l’écureuil de nos climats.
    Bref, l’idée est en route, et bien en route.
    Les ingénieurs se décident enfin à comprendre que les entrailles de la terre ne sont pas inépuisables et qu’un jour viendra, plus tôt qu’on ne croit, où notre globe, creusé à l’instar d’un vieux navet, ne recèlera plus une parcelle de charbon, une goutte de pétrole.
    Alors, tas d’andouilles, comment les ferez-vous marcher, vos machines à vapeur, vos bécanes à essence ?
    Quand ce moment arrivera, dites-vous, vous ne serez plus de ce monde, et vous vous fichez de ce qui se passera alors.
    Joli raisonnement et qui montre bien de quel égoïsme se pétrit votre âme sèche.
    Heureusement, tout le monde n’est point comme vous : des esprits généreux, dépouillés de vos sales contingences, veillent, et, dans l’ombre, travaillent à la bonne éclosion des temps futurs !
    … J’ai eu le vif plaisir de visiter récemment plusieurs usines à moteurs animés, construites d’après mes dernières indications.
    L’une emploie trente mille souris dont le travail représente une force de quarante chevaux-vapeur.
    Ces trente mille souris, divisées en deux équipes se relayant toutes les trois heures, actionnent une immense roue creuse qui tourne avec une régularité et une puissance véritablement stupéfiantes.
    Voilà donc une force absolument gratuite, car les quelques francs que coûtent la paille et la nourriture des souris (croûtes de pain, pelures de fromage, détritus ménagers provenant de la ville voisine) sont amplement remboursés par l’excellent fumier que produisent nos petits artisans (300 kilos par jour, soit plus de 100 mille kilos par an !).
    L’autre usine me sembla plus curieuse encore, celle dont les machines sont mues par des grenouilles.
    Même principe que dans la première : une immense roue creuse semblable à celle dont les Anglais se servent dans leur hard labour .
    Seulement, au lieu d’esthètes, ce sont des grenouilles qui la font tourner.
    On ne saurait se faire une idée de la force produite par la détente d’une grenouille qui saute.
    La roue en question
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