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Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Titel: Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
Autoren: Alain-Gilles Minella
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est l’amour qu’il porte à sa femme. Tous les chroniqueurs le soulignent, généralement pour s’en étonner car c’est très inhabituel dans ce genre de mariage où seule la politique compte. Dernière raison, Louis a besoin d’un fils qui lui succédera sur le trône et unira définitivement l’héritage d’Aliénor à la couronne. Le roi ne peut avoir oublié comment son père, Louis VI, s’est battu avec acharnement pour conserver à la couronne de petits territoires, de simples châteaux quelquefois, ou conquérir quelques arpents de terre, assurant un peu plus à chaque fois le fragile pouvoir capétien… Il ne peut pas laisser filer l’Aquitaine et le Poitou !
    Voyons la position d’Eugène III maintenant. Lui a besoin du soutien du roi de France. Depuis janvier 1146, il a été chassé de Rome par le mouvement insurrectionnel que dirige Arnaud de Brescia. La situation nuit gravement à l’autorité personnelle du pape et, au-delà, à l’autorité morale de la papauté. Si Eugène III avait appelé à la croisade, c’est en partie pour essayer de reconquérir du pouvoir. Dans cette action, il bénéficiait du soutien de Bernard de Clairvaux dont la personnalité domine toute la chrétienté de l’époque. C’est lui la véritable autorité morale de l’Église. Avant d’accéder au trône pontifical, Eugène III était moine à Clairvaux ; les liens entre les deux hommes sont étroits. On l’a vu lorsqu’il s’est agi de prêcher la croisade. Bernard y était bien évidemment favorable, mais il a fait savoir qu’il ne la prêcherait que si le pape lui en donnait l’autorisation, mettant ainsi en avant l’institution pontificale très malmenée à l’époque et lui apportant tout son crédit personnel. Pour que la croisade soit utile politiquement au pape, il aurait fallu qu’elle soit un succès, ce qui fut loin d’être le cas. J’imagine qu’Eugène III était un peu inquiet sur son sort. Tout le monde savait que Bernard de Clairvaux se posait des questions sur les « capacités » du souverain pontife à sortir l’Église d’une situation très préoccupante. On savait aussi que le roi de France, très chrétien, très pieux, aurait un rôle à jouer sur ce point et que Bernard avait beaucoup d’influence sur lui. Eugène III avait donc absolument besoin d’un roi de France rasséréné, oubliant cette expédition désastreuse et regardant l’avenir avec confiance. Il fit ce qu’il fallait pour.
    Quant à Aliénor, je la crois à ce moment-là très désabusée. Nous avons vu quel avenir s’ouvrait devant elle. Elle a peut-être eu conscience d’être manipulée… Peut-être a-t-elle décidé de se sacrifier… Un élément reste troublant : cette maladie de la jeune femme dont parlent les chroniqueurs et qui obligea le couple royal à remonter vers Paris en faisant de courtes étapes. C’est pratiquement la seule fois où l’on signale une faiblesse de santé chez Aliénor. Toute sa vie, elle fera preuve d’une constitution physique extraordinairement solide. Elle mettra au monde dix enfants – à la naissance du dernier, le futur Jean sans Terre, elle a au moins quarante-quatre ans – sans jamais cesser de parcourir ses territoires dans tous les sens. À plus de quatre-vingts ans, elle traversera encore les Pyrénées à cheval. Pourquoi est-elle malade au retour de croisade alors qu’elle a suivi toute l’expédition sans difficulté ? Le contrecoup ? Peut-être. L’annonce de la mort de son oncle a certainement joué aussi. Personnellement, j’ai envie de penser qu’à ce moment-là elle se résigne, et que cette faiblesse physique n’en est que la manifestation.
    Grâce aux bons offices du pape, la tendresse renaît entre les époux. En les regardant s’éloigner, reprenant la route vers Paris, le souverain pontife peut bien verser quelques larmes avec le sentiment du devoir accompli. Et d’ailleurs l’avenir immédiat semble lui donner raison : il apprendra quelques mois plus tard que la reine est enceinte.

1 La rencontre
    Août 1151. Les salles rénovées et agrandies du Palais de la Cité, à Paris, résonnent de la voix puissante de Bernard de Clairvaux. Du moine fondateur de l’abbaye de Clairvaux, Michelet, dans son Histoire de France, trace le portrait d’un ascète se nourrissant de la Bible et s’abreuvant de l’Évangile : « C’était un esprit plutôt qu’un homme qu’on croyait voir, quand il paraissait ainsi
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