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Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Titel: Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
Autoren: Alain-Gilles Minella
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Louis a pris la mauvaise décision, Raymond avait raison. La suite des événements l’a montré. Malheureusement son oncle en est mort. Ce jour-là, à Antioche, Louis s’est trompé et son erreur a conduit l’expédition à l’échec et Raymond à la mort. Aliénor avait fait le bon choix. Elle le sait. Elle ne l’oubliera jamais.
    Si les chroniqueurs ont insisté sur l’affaire d’Antioche, c’est parce que – plus que la consanguinité brandie et qui effectivement, deux ans plus tard, servira de prétexte à l’annulation du mariage – Aliénor a senti qu’elle possédait à ce moment-là un vrai sens politique. C’est Louis qui, par susceptibilité et jalousie, s’est montré capricieux en s’entêtant à vouloir aller faire son pèlerinage à Jérusalem, alors que la raison politique commandait l’action militaire. Si Aliénor a agité alors cette question de consanguinité, ce n’était sans doute pas – bien quelle fût indubitablement lasse de son mari – avec l’idée de suivre la menace d’effet mais plutôt parce que c’était le seul moyen de ramener le pieux Louis à la raison et de l’obliger à aller dans le sens de Raymond. Cela dit, si l’argument est venu, les conversations avec Raymond y furent sûrement pour quelque chose.
    Lors du séjour à Tusculum, Aliénor a vingt-sept ou vingt-neuf ans – on ne connaît pas la date exacte de sa naissance {3} , 1120 ? 1122 ? – et peut raisonnablement penser qu’il ne lui reste au mieux qu’une vingtaine d’années à vivre. Il est possible qu’elle ait tenté son va-tout à Antioche et que, de ce point de vue-là, elle ait échoué. Elle n’a pas pris l’ascendant sur Louis ; l’amour qu’il lui porte ne suffit plus, comme au début de leur mariage. Aliénor, elle, ne l’a jamais aimé. Elle a fait un mariage politique que la mort imprévue de son père avait rendu indispensable. Elle était née riche et puissante, elle avait tout, son mariage lui apportait une couronne, ce qui, dans la frivolité de ses quinze ans, l’avait séduite : le bijou lui allait merveilleusement bien. Elle était belle, elle le savait et avait trouvé normal que son mari l’aime. Douze ans ont passé, elle se rend compte des occasions manquées, des erreurs que son insouciance lui a fait commettre. Elle pense sans doute qu’il est trop tard pour changer de vie.
    Contrairement au roi, la femme qui se trouve face à Eugène III, si belle et intelligente soit-elle, juge alors que l’existence ne lui réserve plus grand-chose. Elle n’a pas le pouvoir et ne l’aura probablement jamais, elle n’aime pas l’homme avec qui elle vit et elle sera bientôt vieille. Pour le roi, les choses sont très différentes, il doit gouverner, maintenir son royaume, l’agrandir peut-être, affermir sa couronne pour la transmettre à l’héritier qu’il lui faut absolument avoir.
    Salisbury nous dit que, durant le séjour à Tusculum, le pape « travailla, par des entretiens privés, à faire renaître leur mutuelle tendresse » et que le souverain pontife avait décidé que le mariage « ne devait être rompu sous aucun prétexte » , précisant : « Cette décision parut plaire infiniment au roi. » Cette décision plut-elle à Aliénor ? Salisbury n’en dit rien et cette omission est assez révélatrice. Tentons d’observer la situation avec le plus d’objectivité possible : qui avait le plus « intérêt » à cette réconciliation ? Louis VII bien sûr mais aussi… Eugène III. Nous l’avons vu, Aliénor représente un pouvoir politique et économique considérable. Ce pouvoir et cette richesse sont aux mains du roi de France tant qu’il reste marié avec elle ; si leur mariage est annulé, le système de la féodalité fait qu’elle « reprend » son bien. C’est un des paradoxes de ce système : une femme reste propriétaire des terres qu'elle a reçues en héritage – dans la mesure où, comme c’est le cas pour Aliénor, elle n’a pas de frère dont les droits priment – mais elle ne peut les gouverner qu’avec un homme à ses côtés qui, parce qu’il a pour lui la force, la capacité de faire valoir ses droits par les armes, détient la matérialité du pouvoir. C’est donc Louis qui administre au nom de sa femme les possessions d’Aliénor ; il les perd en cas de séparation et on peut penser que cette perspective l’inquiète. Voilà déjà une excellente raison de vouloir la réconciliation. Une autre
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