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Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Titel: Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
Autoren: Alain-Gilles Minella
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prétexte. Cette décision parut plaire infiniment au roi. Le pape les fit coucher en un même lit qu’il avait orné de ses parures les plus précieuses. Pendant les quelques jours qu’ils demeurèrent là, il travailla, par des entretiens privés, à faire renaître leur mutuelle tendresse. Il les combla de cadeaux et, quand ils prirent congé, cet homme plutôt austère ne put retenir ses larmes. » Salisbury connaît bien les protagonistes. Il sera un temps conseiller d’Henri II Plantagenêt, roi d’Angleterre, et un intime de Thomas Becket dont il écrira la première biographie. Banni par le Plantagenêt, il se réfugiera plus tard en France avec l’aide de Louis VII et finira sa vie évêque de Chartres. S’il insiste sur l’état d’esprit des souverains français et l’intervention assez inattendue du pape, c’est qu’il a pu mesurer, au moment où il écrit, combien cette tentative de « réconciliation » était importante et combien son échec a pesé sur l’histoire.
    Si l’on en croit Salisbury, Eugène III a donc écouté en tête à tête les griefs, les rancœurs et récriminations de chacun des époux. Qu’avaient-ils à se reprocher après douze ans de mariage ?
    Louis VII, d’abord : bien qu’il aime profondément sa femme – tous les chroniqueurs de l’époque sont d’accord là-dessus ; Salisbury écrit même qu’il l’aimait « véhémentement et de manière presque enfantine » – , il ne l’a jamais vraiment comprise… et encore moins pendant cette affaire d’Antioche. Je veux croire que c’est de cela qu’il parla d’abord au pape, même si, comme toujours dans les mésententes conjugales, les problèmes sont généralement profonds et prennent racine des années avant d’apparaître au grand jour.
    Que s’est-il donc passé à Antioche ?
    Louis VII et Aliénor avaient débarqué à Saint-Siméon, le port de la principauté d’Antioche, le 19 mars 1148, avec un immense sentiment de soulagement. En dix mois d’expédition, rien n’avait été épargné aux croisés : problèmes permanents de ravitaillement aggravés par le flot quotidien de pèlerins ralliant la croisade ; duplicité et fourberie de l’empereur byzantin Manuel Comnène qui ne songeait qu’à leur soutirer de l’argent et à s’entendre avec leurs ennemis turcs en secret ; harcèlement des troupes turques dès que l’armée franque avait franchi le Bosphore, sans compter les inévitables dissensions entre barons du roi et de la reine.
    À Antioche, ils étaient enfin en terre franque. Ils allaient pouvoir souffler, reprendre des forces et remettre en ordre l’armée durement éprouvée, avant de repartir pour libérer Édesse qui constituait le but de l’expédition.
    La ville se présentait à eux comme un havre de paix et de félicité. Doucement inclinée vers la mer, Antioche, au nord de l’actuelle Syrie, était une oasis de verdure et de fraîcheur solidement protégée par douze kilomètres de remparts. On y vivait luxueusement, à l’orientale. Le contraste était saisissant pour des hommes qui venaient de traverser une longue période de privations. Certains austères barons du nord de la France – dont Louis VII faisait sans doute partie – n’étaient pas loin d’être choqués. Du côté d’Aliénor et des Aquitains, au contraire, on se sentait parfaitement à l’aise, d’autant que de nombreux Poitevins se trouvaient là. Mais plus encore, ce qui réjouissait la reine était de retrouver Raymond de Poitiers, son oncle, devenu par une des bizarreries de l’histoire prince d’Antioche.
    C’est lui qui accueille les souverains français à leur descente de bateau. Le chroniqueur Guillaume de Tyr, qui relatera l’épisode trente ans après, fait de Raymond un portrait dont se dégage une personnalité attachante, affable, pleine de légèreté et de charme : « Dans le maniement des armes et dans la science de la chevalerie, il se montrait supérieur à tous ceux qui l’avaient précédé, comme à ceux qui lui succédèrent dans la même principauté. Il cherchait les gens lettrés, quoique lui-même fût peu docte. […] Il était sobre pour les aliments et pour la boisson, magnifique et généreux à l’excès, mais en même temps peu prévoyant et abandonné plus qu’il n’eût été convenable au jeu des dés et à tous les autres jeux de hasard. » Frère cadet du père d’Aliénor, Raymond n’a que quelques années de plus que sa
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