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Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Titel: Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
Autoren: Alain-Gilles Minella
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nous n’avons rien, ou presque, sur son physique. Certains chroniqueurs la disent : perpulchra, c’est-à-dire « très belle ». Lors de son mariage avec Louis VII, on l’a qualifiée de « fougueuse ». Plus tard, un moine de Winchester, Richard de Devizes, dira de celle qui est alors la reine d’Angleterre qu’elle est « une femme incomparable, belle bien que vertueuse, énergique bien que douce, humble bien que vive en parole… » ; Cela sent l’hagiographie ! À l’inverse Guillaume de Tyr, évoquant l’épisode d’Antioche, écrira vers 1180 : « … elle était l’une de ces femmes folles. C’était une femme imprudente, ainsi qu’elle le montra avant comme après ces événements de façon manifeste ; elle offensa la dignité royale, négligea la loi, oublia le lit conjugal. » Lorsque Guillaume de Tyr rédige son Historia rerum in partibus transmarinis gestarum l’affrontement dure depuis plus de vingt ans entre les pouvoirs capétien et Plantagenêt pour la suprématie sur l’Ouest de l’Europe : le parti de Guillaume est clair. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’image d’Aliénor que nous lègue le XIIe siècle est contrastée et imprécise. L’imprécision est le lot commun à toutes les grandes figures féminines de cette période. Georges Duby le souligne dans l’introduction de ses Dames du XIIe siècle {2} : « Les dames de ces temps lointains n’ont pour lui (l’historien) ni visage ni corps. […] Les artistes, en effet, pas plus d’ailleurs que les poètes, ne se souciaient alors de réalisme. Ils figuraient des symboles et s’en tenaient aux formules convenues. N’espérons donc pas découvrir la physionomie particulière de ces femmes sur les très rares effigies qui sont parvenues jusqu’à nous. […] Elles ne seront jamais pour nous que des ombres indécises, sans contour, sans profondeur, sans accent. »
    Le cas d’Aliénor est particulier. Pour des raisons politiques évidentes les différents chroniqueurs qui ont relaté les événements tant du côté capétien que du côté Plantagenêt, ont chacun servi leur « maître », leur souverain, avec plus ou moins de servilité. Or Aliénor a divorcé du roi de France et s’est opposée à son second mari, roi d’Angleterre, qui l’a fait emprisonner pendant quinze années. Elle a en quelque sorte « trahi » chacun des deux camps. Il faut donc ajouter, à la difficulté d’avoir peu de sources sur Aliénor, celle de devoir, lorsqu’on en trouve, en évaluer le parti pris.
    Néanmoins, deux choses sont établies concernant Aliénor : sa beauté et son autorité naturelle. Et sans doute est-ce un changement dans l’affirmation de cette autorité que remarqua Eugène III, en octobre 1149. La reine lui apparaît peut-être moins déterminée, moins sûre d’elle-même, moins arrogante. Elle reste malgré tout « fougueuse » et lorsqu’elle s’emporte contre Louis, elle y met toute sa véhémence.
    Que reproche-t-elle à son époux ? Finalement d’être ce qu’il est : un homme timide, renfermé, d’une piété insupportable. « J’ai épousé un moine », dira-t-elle à plusieurs reprises pendant ses années de mariage avec Louis VII. Les historiens ont même pu s’interroger sur le vrai destinataire de cette pique : Louis ou l’abbé Suger, dont l’influence sur le roi est telle que la reine a souvent l’impression que c’est lui qui gouverne, peut-être jusque dans le couple royal. Quoi qu’il en soit, Aliénor ne supporte plus ce cléricalisme omniprésent autour de son mari. Elle ne supporte pas davantage la manière dont on l’écarte du pouvoir. Elle sait ce qu’elle représente, qui elle est. Sans l’Aquitaine et le Poitou, le domaine royal n’est rien : quelques champs de blé coincés entre les terres du comte de Blois et celles du comte de Champagne. Louis devrait s’en souvenir. Elle reconnaît les erreurs qu’elle a pu commettre dans sa jeunesse, ses caprices, ses entêtements… mais Louis était jeune aussi, il a sa part de responsabilité. Ils ont mûri maintenant.
    L’expédition en Terre sainte a agi sur elle comme un révélateur. Elle a pu se rendre compte de la fidélité de ses barons occitans et elle a pris goût au commandement, à la stratégie, à la diplomatie. Elle aussi revient sur l’affaire d’Antioche, non pas pour évoquer une brouille entre époux mais parce que, à ses yeux, il s’agit d’une affaire politique.
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