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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha
Autoren: Marek Halter
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à mon époux. J’étais la toute première à en recueillir le bienfait. Même si cela paraissait encore de la folie de le croire, la victoire de nos combattants contre les mécréants de Mekka ne me semblait plus impossible. Peut-être mon destin ne serait-il pas de devenir l’esclave ou la concubine d’Abu Sofyan.
    Emportée par cette euphorie nouvelle, je pris ma fiole de musc ambré et m’en enduisis la nuque et le buste avant de m’allonger. Aussitôt le parfum puissant et voluptueux me rappela bien des instants et des questions qui me hantaient depuis l’hiver.
     
    Cela faisait maintenant de nombreuses lunes que les baisers et les caresses de Muhammad n’étaient pas seulement de tendresse. Après plusieurs nuits de timidité, troublée et pudique, tremblante de lui déplaire, je m’étais contrainte à lui rendre ses caresses. Ma maladresse me faisait honte. Mais Muhammad avait ri tendrement, en posant avec une extrême douceur les lèvres sur mes paumes :
    — Tout s’apprend, Aïcha. Cela aussi. Tu as le temps, sois sans crainte, mon épouse de miel. Je ne te forcerai pas à devenir femme avant qu’Allah ne m’en ouvre la voie.
    Ses mots m’avaient tant étonnée que j’avais dû prendre une mine stupide. Muhammad avait ajouté :
    — Quand Allah, béni soit-il mille fois, te voudra pour moi, Il te le fera savoir. Écoute-Le. Il te conduira dans mes bras.
    Pour être certaine de comprendre le sens exact de ces phrases, je les avais répétées à Barrayara. Elle aussi avait ri, puis avait bougonné :
    — Fais marcher ta cervelle, ma fille. Le Messager dit que tu ne seras pas sa couche de chair et de plaisir tant que le sang des femmes ne te sera pas venu. Tant mieux. Tu as de la chance. Je connais quantité de maris qui n’auraient pas cette patience. Mais il est temps que tu te prépares pour la vie qui t’attend.
    Sa voix péremptoire paraissait toujours grincheuse et sans émotion. Ce n’était qu’un masque. Quand on égorgeait un chevreau, Barrayara se couvrait le visage en gémissant. Et sur le sujet de la « couche de chair et de plaisir », elle n’était jamais avare d’enseignements et de conseils. Elle en disait tant qu’on aurait pu croire qu’elle avait connu un grand nombre d’hommes. Et jamais elle ne se trompait. Devenir la « couche de chair et de plaisir » de son époux était bien commencer une nouvelle vie.
    Sans doute le Messager devinait-il que je me préparais à accomplir mon devoir d’épouse et que je n’en éprouvais aucune réticence. De plus en plus souvent il me rejoignait tard et se plaisait à éveiller mon désir. Il prévenait si bien les terreurs et les timidités de mon âge que bientôt mes journées ne me parurent qu’une inutile attente. L’impatience de la jeunesse, l’avidité des plaisirs naissants enflammaient ma chair. Je ne vivais plus que pour l’instant où Muhammad soulèverait la portière de ma chambre en prononçant mon nom. Et, bien sûr, j’en vins à espérer qu’il outrepasse la règle qu’il s’était fixée.
    Lui, tout au contraire, n’était que retenue et sagesse. Par bonheur, je crois avoir su lui masquer ma frustration. Ce n’est que plus tard que je compris combien sa conduite était amour et tendresse. Et bonté, car avant d’exiger sa satisfaction il m’apprenait à m’enivrer du pouvoir de mes sens et à jouir du plaisir particulier que peuvent avoir les femmes. Ce que tant d’hommes ignorent.
     
    Cependant les lunes passaient et mon sang de femme ne venait pas. Une crainte commença à me tourmenter. À Barrayara je demandai :
    — Es-tu certaine que cela arrive toujours ? Toutes les femmes ont ce sang, tu en es sûre ?
    Barrayara secouait la tête en soupirant :
    — Es-tu sotte de poser une question pareille !
    Le plus dur de l’hiver s’acheva. J’attendais toujours. Le doute minait mes jours et mes nuits. Que n’aurais-je donné pour pouvoir enfin murmurer à Muhammad qu’Allah m’avait faite femme ! Chaque matin je redoutais que la lassitude ne le détourne de moi. De cette gamine que je m’obstinais à demeurer. Dans notre maison comme dans celles des Croyants de Yatrib, il ne manquait pas de belles servantes ou esclaves depuis longtemps formées au plaisir. Et bien d’autres, filles de compagnons ou de nouveaux Croyants ansars. Toutes, je le savais, auraient été très heureuses de lui ouvrir leur corps et même de devenir sa deuxième, troisième ou quatrième
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