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A l'ombre de ma vie

A l'ombre de ma vie

Titel: A l'ombre de ma vie
Autoren: Florence Cassez
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une gaieté un peu décalée sur la route qui descend vers Mexico en
se faufilant dans la verdure de cette banlieue rurale. Pendant les silences un
peu lourds où l’on n’entend que les grincements de la camionnette, je regarde
s’éloigner Topilejo en me disant que je ne reviendrai jamais au ranch, que
c’est peut-être la dernière fois que je vois Israël. J’ai hâte de me poser
enfin dans mon nouvel appartement, d’y dormir ce soir et de me plonger dans ma
nouvelle vie. J’ai confiance en moi parce que les tests psychologiques et les
entretiens que j’ai subis à l’hôtel Fiesta Americana étaient costauds et que
j’ai l’impression de l’avoir emporté haut la main. Je voulais vraiment cette
place d’hôtesse à l’étage VIP d’un des plus grands hôtels de Mexico, et
maintenant je suis optimiste : j ’ai
trente ans, je ne resterai pas longtemps à l’accueil, je vais progresser,
m’imposer, et un jour je pourrai rentrer en France avec cette expérience en
plus, maintenant que je parle espagnol.
    Israël a dû s’arrêter : un camion de gaz est en travers
de la route. J’ai d’abord cru à une panne, mais il y a sans doute des travaux
parce que les hommes qui s’approchent doucement de nous portent des gilets
orange, comme les ouvriers sur les routes. Ils expliquent qu’il faut attendre
un peu et je regarde ailleurs en posant ma tête tranquillement, sans entendre
qu’il s’agit en fait d’un contrôle d’identité comme on en voit souvent ici et
qu’Israël met du temps à trouver ses papiers. L’homme attend, sans s’agacer,
jetant un coup d’œil à l’arrière de la camionnette.
    — Qu’est-ce que vous transportez ?
    — Ses meubles.
    — C’est qui ?
    — C’est ma copine…
    Je ne sais pas s’il a dit cela pour simplifier ou s’il n’a
pas pu s’en empêcher, mais je n’ai pas le temps de me poser la question :
d’autres types que je n’ai pas vus arriver ont ouvert les portières et Israël
est déjà emmené sans ménagements, un blouson enroulé sur sa tête, pendant que
trois ou quatre autres hommes sont montés de mon côté. Je ne comprends rien à
ce qui se passe, le véhicule démarre et on m’oblige à baisser la tête, en même
temps qu’on me prend mon téléphone mobile. Il y a un homme à côté de moi et
deux ou trois sur mes épaules. J’ai mal, j’ai peur. Je me retrouve à l’arrière
de la camionnette qui roule encore un moment ; personne ne me parle, et
quand on s’arrête, que la porte coulisse, je ne sais pas ce qu’on veut de moi.
    Il y a une autre camionnette, juste à côté, et c’est là que
je dois monter. Pas moyen de réfléchir, aucune idée ne me vient, j’ai juste
peur, terriblement peur, et ça m’empêche de parler et de penser, de demander
pourquoi il fait si noir maintenant, pourquoi le gars qui vient de démarrer se
met à rouler si vite, n’importe comment, tellement vite que le siège sur lequel
on m’a assise bascule en arrière, que je me retrouve dans le fond de la malle,
secouée, cognée, morte de trouille et ne sachant pas ce qui m’arrive, et si ces
gars sont vraiment de la police, après tout…
    Ça dure bien trois quarts d’heure, peut-être une heure. On
s’arrête et une femme vient s’asseoir à côté de moi. Il fait toujours aussi
noir ; elle a une lampe torche mais je ne la vois pas bien. J’aperçois
juste son air brusque, sévère, presque masculin, quand elle m’explique qu’au Mexique
il y a la police, la police des polices et, tout en haut, l’AFI, l’Agence
fédérale d’investigation, et qu’eux tous font partie de cette élite-là. Je ne
sais pas encore très bien ce que cela signifie, si je dois être rassurée. De
toute façon, je n’arrive pas à me contrôler. C’est plus fort que moi : je
suis perdue, tétanisée par la brutalité avec laquelle on m’a arrachée à mes
rêves.
    Pourtant, elle veut être rassurante.
    — Nous surveillons Israël Vallarta depuis des mois.
Nous l’avons suivi, avons repéré ses contacts et ses occupations. Vous, vous
n’avez rien à craindre, on ne vous inquiétera pas, mais nous avons quelques
questions à vous poser, juste en tant que témoin, puisque vous étiez avec lui.
    Elle me dit qu’ils cherchent une petite fille, dans une
maison, à Xochimilco, mais je ne comprends pas ce qu’Israël a à voir avec tout
cela. Elle ne veut pas en dire plus. Elle a pris mon sac et commence à le
fouiller, à en tirer mon
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