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A l'ombre de ma vie

A l'ombre de ma vie

Titel: A l'ombre de ma vie
Autoren: Florence Cassez
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téléphone qu’elle ouvre nerveusement pour en consulter
le répertoire, en me montrant les noms, les uns après les autres. Elle veut
savoir à qui ils correspondent.
    — C’est un frère d’Israël… Là, c’est mon frère…
Celui-là, c’est un copain…
    Elle recommence. Mêmes réponses, mais plus sereinement, je
reprends peut-être un peu confiance. En tout cas, j’ose demander si je pourrai
aller travailler, je dois commencer à quinze heures à l’hôtel.
    — Tu vas aller travailler, m’assure-t-elle.
    Puis elle m’explique encore que ce qui les intéresse, c’est
cette petite fille, à Xochimilco. Je connais ce quartier-là parce que la sœur
d’Israël y habite. Je le lui dis, je décris la maison de Lupita, la rue où elle
habite, mais apparemment ça ne l’intéresse pas.
    — Non, c’est pas ça…
    Et le temps passe. Parfois, elle me laisse dans la
camionnette, avec des types en armes qui portent des cagoules noires. Ils ne
disent rien. Et elle revient. Encore une fois, elle raconte qu’ils sont sur la
piste d’Israël depuis longtemps, qu’ils sont sûrs d’eux tellement ils l’ont
surveillé et je comprends qu’ils lui reprochent d’avoir enlevé des gens, de les
avoir séquestrés. C’est impossible, ils se trompent, ça ne peut pas être
Israël, et c’est ce que je lui dis, à cette femme obstinée, hermétique, qui
semble s’agacer à mesure que la journée avance.
    Quelle heure est-il maintenant ? Je suis toujours dans
le noir de cette camionnette, mais il fait chaud, maintenant. Très chaud. C’est
ainsi, l’hiver au Mexique : il fait très froid la nuit, mais les bonnes
journées, le soleil tape fort au milieu de l’après-midi. J’ai peu à peu l’angoisse
d’être en retard pour mon premier jour de travail, d’être obligée après de me
justifier. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir leur raconter ? Comment
vont-ils le prendre ? Je viens de le trouver, ce boulot…
    Elle revient encore. Les hommes armés, en uniforme de l’AFI,
se relaient autour de moi ; je ne suis jamais seule, même pas pour uriner.
J’ai demandé, mais ils m’ont apporté un seau et ils sont restés là, dans la
camionnette ; c’est insoutenable et je me sens mal. Je suis de plus en
plus perdue, incapable de me situer autrement qu’entre les tôles de cette
camionnette noire.
    La femme me pose encore les mêmes questions, me dit encore
une fois qu’Israël a commis des enlèvements, me montre des papiers que je
n’arrive pas à lire, comme pour me prouver que c’est sûr, mais je n’y crois
pas. D’ailleurs, un moment elle donne le nom d’Israël en entier et là je
comprends : il y a erreur. Elle a dit « Israël Vallarta
Fernandez ». C’est un autre, bien sûr, et je lui dis :
    — Israël s’appelle Vallarta Cisneros ! Vous vous
êtes trompés !
    Mais rien à faire. Des mois plus tard, je reverrai les mêmes
papiers et le nom aura été changé.
    On ne m’a pas encore laissée reprendre mes esprits.
Peut-être que tout ça n’est qu’un cauchemar, après tout. Des enlèvements !
Et puis quoi, encore ? Je sais qu’ici le kidnapping est presque un sport
national, qu’on en voit plein les journaux, que des policiers corrompus y sont
mêlés, parfois, et qu’avec les narcotrafiquants, c’est la plaie principale de
ce pays, un véritable business. Mais comme je me sens loin de tout ça ! Et
Israël ? C’est impossible, pas lui. C’est un type sympa, Israël, qui bosse
et qui a des plaisirs simples. Les balades à la campagne, avec ses chiens…
Comment aurait-il pu enlever des gens ? Et une petite fille ?
    J’ai froid. C’est sûrement la nuit, parce que les bruits
sont plus étouffés. Il y a un bon moment que je suis seule dans la camionnette,
personne ne vient me voir ; il ne reste que les deux hommes devant,
derrière un gros rideau. Au plafond, il y a une sorte de périscope, comme dans
les sous-marins. Il ne faut pas que je fasse de bruit, que je bouge trop
brusquement, je vais tenter de regarder. J’ose à peine m’approcher, c’est la
première fois que j’entreprends quelque chose. C’est incroyable, mais ce geste inoffensif
m’effraie. Je colle mon œil et j’aperçois… des voitures, des bâtiments, une
grande place, comme un parking. Et le monument de la Révolution ! Voilà où
on est : sur la place de la Révolution, en plein centre de Mexico. Mais
qu’est-ce qu’on attend là ? Pourquoi c’est si long ? J’ai
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