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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps
Autoren: Michel David
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l'appartement familial. J'ai pas grand temps. Je recommence à
six heures et demie.
     
    — Je t'attendais
pas pantoute pour souper, toi, lui fit remarquer sa mère en s'extrayant
difficilement de sa chaise berçante. D'habitude, tu vas manger des patates
frites à la salle de pool, le vendredi.
     
    Elle replia sa
chaise berçante, la déposa derrière la porte d'entrée et suivit sa fille dans
le couloir où cette dernière venait de se débarrasser de ses souliers à talons
hauts avec un soulagement évident.
     
    — Je le sais ben,
m'man, reconnut sa fille. Mais aujourd'hui, on crève. J'avais pas le goût
d'aller manger là. Avec les poêles qui chauffent, ça aurait été pire que ce que
j'ai eu à endurer toute la journée chez Woolworth. En plus, il y a presque pas
de place pour s'asseoir et j'ai mal aux pieds.
     
    J'aimais mieux
venir manger à la maison, même si j'ai juste une heure et quart avant de
retourner travailler, ajoutât- elle en entrant dans sa chambre pour y déposer
sa bourse.
     
    Denise Morin
était vendeuse au Woolworth de la rue Sainte-Catherine depuis deux ans. Le
magasin était 18 LA FAMILLE MORIN situé entre les rues Dufresne et Poupart.
Pour un salaire hebdomadaire de quinze dollars, la jeune fille devait
travailler soixante heures par semaine et supporter, en plus, les mains baladeuses
du gérant, Antoine Beaudry. Le quadragénaire un peu déplumé était tout
émoustillé par ses deux jeunes vendeuses et ne perdait jamais une occasion de
les frôler. Denise n'en avait jamais soufflé mot à son père de peur qu'il aille
demander des comptes à son patron, ce qui lui aurait fait perdre son emploi à
coup sûr.
     
    — J'avais prévu
de faire des sandwichs aux tomates, lui dit sa mère en arrivant dans la
cuisine.
     
    La jeune fille
sortit de sa chambre et se dirigea immédiatement vers le vieux réfrigérateur
Bélanger acheté d'occasion quelques années auparavant.
     
    — C'est correct,
consentit-elle en se versant un verre de cola avant de venir s'asseoir à la
table de cuisine. De toute façon, c'est vendredi et on peut pas manger de
viande.
     
    Les couverts avaient
déjà été disposés par Carole sur la nappe plastifiée à larges fleurs jaunes.
     
    — Est-ce qu'on
soupe déjà? demanda Carole en apparaissant subitement devant la porte
moustiquaire donnant sur la cour.
     
    — Non. On va
attendre ton père, répondit Laurette.
     
    C'est Denise qui
doit se dépêcher de souper avant de retourner travailler.
     
    La mère de
famille poussa vers sa fille une tomate rouge et le pain tranché déposés près
d'elle sur la table. Elle se leva pour prendre un sac de biscuits Village
acheté la veille chez Oscar, à la biscuiterie située en face de l'église
paroissiale.
     
    — J'espère que
vous sortez pas ces biscuits-là pour moi, protesta Denise en tranchant une
tomate. Je les haïs à mort.
     
    Ils sont épais et
ils goûtent rien. C'est comme manger du carton. Pourquoi vous achetez cette
sorte-là au lieu des biscuits sandwich? 19
     
    — Parce qu'ils
bourrent et parce que les autres coûtent deux fois plus cher, répondit
sèchement sa mère avant de reprendre sa place au bout de la table.
     
    Pendant que sa fille
préparait son sandwich, Laurette jeta un coup d'oeil autour d'elle pour
s'assurer que le grand ménage du vendredi effectué durant l'avant-midi était
encore bien apparent. Comme elle le répétait souvent aux siens: «C'est pas
parce qu'on reste dans une vieille cabane qu'on va vivre dans la crasse. On
n'est pas des cochons.» L'unique fenêtre et les carreaux de la porte ouvrant
sur le balcon arrière ne laissaient pénétrer qu'une maigre lumière dans la
cuisine aux murs peints en jaune. Au début du printemps, le nouveau téléphone
mural noir avait été installé près des armoires. Le vieux réfrigérateur et le
poêlé à huile étaient impeccables, côte à côte, au fond de la pièce au centre
de laquelle étaient placées une table rectangulaire en bois blanc et sept chaises
assez inconfortables. Deux chaises berçantes et une radio complétaient
l'ameublement de la pièce.
     
    La ménagère
exhala un soupir de satisfaction en constatant que le linoléum gris aux dessins
à demi effacés par l'usure, lavé et ciré le matin même, ne portait aucune trace
de pas.
     
    La porte de la
clôture claqua bruyamment et des pas précipités se firent entendre sur le
balcon.
     
    — Tiens! Vlà
l'énervé, laissa tomber Laurette en tournant la
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