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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps
Autoren: Michel David
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Je l'ai vu tout
à l'heure dans la grande cour avec André Lévesque.
     
    — Qu'est-ce
qu'ils faisaient tous les deux?
     
    — Ils avaient
l'air de réparer le bicycle d'André.
     
    — C'est correct.
Si tu le vois en arrière, dis-lui de pas s'éloigner. On va souper dans pas
longtemps... Tu serais fine si tu m'apportais un verre de Kik en attendant,
ajouta Laurette en tendant à sa cadette son verre vide.
     
    Carole rentra et
revint un moment plus tard. Elle tendit un verre de cola à sa mère avant de
s'esquiver à l'intérieur de l'appartement. Pendant un bref instant, Laurette
Morin se demanda si elle ne serait pas mieux assise à l'arrière de la maison.
Mais elle eut encore plus chaud à la seule pensée de se retrouver assise sur
l'étroit balcon encastré entre les deux vieux hangars qui marquaient la limite
entre sa cour et celle des Paré, d'un côté, et des Bélanger, de l'autre. Les
trois cours n'avaient qu'une vingtaine de pieds de profondeur et n'étaient
séparées de la grande cour commune des résidants des six immeubles vétustés de
la rue Notre-Dame que par une clôture en planches grises vermoulues. A bien y
penser, se retrouver assise derrière l'escalier qui menait chez les Gravel
avec, en prime, l'odeur des poubelles... Non, merci! Elle préférait mille fois le
trottoir surchauffé. C'était moins étouffant et, en plus, elle pouvait voir, de
temps à autre, des gens passer sur la rue Archambault.
     
    Elle aurait bien
aimé occuper l'appartement des Bélanger, ses voisins de droite. Ces derniers
avaient une bien meilleure vue que les Morin sur la rue Archambault.
     
    Ils occupaient la
première maison de la rue Emmett, juste en face du restaurant Brodeur. Quand le
père Bélanger 16 LA FAMILLE MOKIN était décédé une dizaine d'années auparavant,
Laurette s'était empressée d'appeler Armand Tremblay, le fondé de pouvoir de la
compagnie Dominion Oilcloth à qui appartenaient les cinq maisons situées du
côté sud de la rue. Ce dernier avait mis fin à tous ses espoirs en lui
apprenant que l'appartement ne serait pas libéré par la veuve puisque son fils
et sa famille venaient vivre avec elle. Au fond, cela avait été une bonne chose
parce que les Grenier, les locataires à l'étage, étaient, selon Catherine
Bélanger, «une vraie bande de sauvages». S'il avait fallu qu'ils vivent au-dessus
de chez elle, elle serait devenue folle depuis longtemps.
     
    Ah! c'était autre
chose à l'époque de sa jeunesse sur la rue Champagne. Il y avait là seulement
du bon monde, des gens qui savaient se tenir et rester à leur place. Pourtant,
c'était le même quartier. Il fallait croire qu'au nord de Sainte-Catherine,
c'était une autre classe de monde.
     
    Laurette ferma à
demi les yeux et replongea avec plaisir dans ses souvenirs.
     
    Elle était née et
avait toujours vécu dans ce quartier.
     
    Quand on
l'appelait le «faubourg à m'lasse» avec un petit air méprisant, elle ne
comprenait pas. Les gens du voisinage qu'elle avait connus et côtoyés n'étaient
peut-être que de pauvres ouvriers, mais ils étaient fiers et ne vivaient pas de
la charité publique. Même au plus fort de la Grande Crise, comme beaucoup de
voisins, son père s'était débattu et était parvenu à gagner suffisamment pour
faire vivre sa femme et ses trois grands enfants. Ils n'étaient pas riches chez
les Brûlé, mais ils n'avaient jamais rien demandé à personne.
     
    En pensée, elle
revit son père et sa mère en train de veiller paisiblement sur le balcon de
leur appartement de la rue Champagne par une chaude soirée d'été... au moment
où elle arrivait, poussant un landau, en compagnie de Gérard. Seigneur ce que
le temps passait rapidement! Il lui semblait que c'était hier...
     
    n Des claquements
de talons hauts sur le trottoir incitèrent la mère de famille à tourner la tête
vers la rue Archambault.
     
    Elle aperçut sa
fille aînée en train de traverser devant le restaurant.
     
    A dix-neuf ans,
Denise était une jeune fille agréable à regarder. Sans être une beauté, elle ne
passait pas inaperçue.
     
    Son visage aux
traits réguliers était soigneusement maquillé et mis en valeur par son épaisse
chevelure brune. Ses lèvres minces laissaient supposer un caractère volontaire.
En réalité, elle avait hérité du tempérament assez placide de son père.
     
    — Est-ce que le
souper est prêt? demanda-t-elle sur un ton impatient en posant le pied sur le
trottoir devant
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