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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps
Autoren: Michel David
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mais
il faut que je vous laisse. Je dois aller servir à souper à mon mari. Je pense
qu'il va retourner faire du taxi à soir.
     
    La tête chafouine
de la voisine disparut de la fenêtre comme celle d'une souris rentrant dans son
trou. Sa dernière remarque était parvenue à mettre Laurette Morin de mauvaise
humeur.
     
    — Friser naturel!
Friser naturel! grommela-t-elle à mi-voix. Elle en a du front, la Gravel, de
venir me dire ça en pleine face. Juste à la voir, on voit ben qu'elle frise
autant que de la corde de poche... Elle a l'air d'un sac d'os avec une moppe
sur la tête, bonyeu! M La mère de famille fut tirée de sa mauvaise humeur par
les cris excités de trois petites filles demeurant au-dessus du restaurant, en
face, qui venaient de descendre l'escalier extérieur. Elles s'étaient mises à
jouer à la corde à danser, malgré la chaleur étouffante. Elles étaient
probablement les seules enfants du quartier à ne pas avoir cherché refuge au
carré Bellerive de la rue Notre-Dame ou au parc Frontenac, coin
Sainte-Catherine et Frontenac.
     
    À leur vue et aux
éclats de leurs voix, Laurette devint soudainement nostalgique. Fermant à demi
les yeux, elle se revit petite fille, sur le trottoir inégal de la rue
Champagne, une trentaine d'années plus tôt. A cette époque-là, elle ne
craignait pas la chaleur non plus. Elle s'amusait avec les soeurs Cholette et
Suzanne Tremblay, sa meilleure amie. Elle était alors infatigable et pouvait
jouer à la marelle et à la corde à danser durant des heures. Un vague sourire
apparut sur la figure de la grosse femme à l'évocation de ces souvenirs de
jeunesse.
     
    L'été, à la fin
de l'après-midi, elle quittait ses amies pour se rendre au coin des rues
Dufresne et Sainte- Catherine et y attendre le retour de son père. Après être
allé décharger les blocs invendus à la glacière de la rue Joachim, le livreur
de glace à l'épaisse moustache noire s'arrêtait toujours au coin de la rue pour
laisser monter sa fille à ses côtés. Laurette avait encore en mémoire cette
odeur de bran de scie mouillé mêlée à celle du crottin de cheval qui imprégnait
le véhicule de son père. La vieille voiture blanche tirée par Prince venait
s'immobiliser lentement devant la porte cochère jouxtant le 2429, rue
Champagne, une petite artère située entre Sainte- Catherine et De Montigny qui
reliait les rues Dufresne et Poupart. Elle s'empressait alors d'aller ouvrir
pour permettre à son père de pénétrer dans la cour au fond de laquelle était
construite l'écurie.
     
    Il LA FAMILLE
MORIN Des rires tirèrent Laurette de ses souvenirs. Elle ouvrit les yeux et
aperçut sa fille Carole en compagnie de Mireille Bélanger et de Diane Roy sur
le seuil de sa porte. Les trois fillettes s'étaient réfugiées sur le balcon de
la cour arrière des Morin depuis le début de l'après-midi pour mettre au point
ce qu'elles appelaient une «séance». Carole, la plus grande des trois, avait
convaincu les deux autres de faire payer avec des épingles à linge le droit
d'entrée à la représentation offerte le lendemain après-midi dans la cour des
Morin. La cadette des Morin avait des traits fins mis en valeur par une épaisse
chevelure châtain, coiffée en queue de cheval, et elle ne manquait pas de
caractère.
     
    — Bonjour, madame
Morin, la saluèrent poliment les deux visiteuses avant de s'éloigner.
     
    — Bonjour, les
filles.
     
    Au moment où
Carole allait disparaître à l'intérieur de la maison, sa mère l'arrêta.
     
    — Quelle heure il
est? lui demanda-t-elle.
     
    Sa fille de onze
ans se tourna pour regarder l'horloge murale de la cuisine, au fond du sombre
appartement.
     
    — Quatre heures
et demie, m'man.
     
    — Commence à
mettre la table.
     
     
     
    — Qu'est-ce qu'on
va manger pour souper? Il y a rien sur le poêle.
     
    — Il fait trop
chaud pour faire cuire quelque chose sur le poêle, déclara sa mère en
s'essuyant le front encore une fois avec son mouchoir. On va faire des
sandwichs aux tomates. Mets juste le pain, la mayonnaise et des tomates sur la
table.
     
    — OK.
     
    — Est-ce que
Gilles est dans la cour en arrière?
     
    — Non. Je l'ai
pas vu.
     
    — Lui et ses
maudits livres, pesta sa mère. Je vais te gager qu'il est encore allé traîner à
la bibliothèque municipale et l5 il voit pas le temps passer. Je lui ai
pourtant dit cent fois que je voulais qu'il soit ici dedans pour quatre heures.
Et Richard, lui?
     
    —
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