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1943-Le souffle de la victoire

1943-Le souffle de la victoire

Titel: 1943-Le souffle de la victoire
Autoren: Max Gallo
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balle de leur revolver. »
    Il essuie d’un geste fébrile les gouttes de sueur qui
coulent sur son front.
     
    Il fait très chaud dans la grande salle de la Wolfsschanze – la « tanière du loup » – son quartier général situé au cœur
de la forêt ukrainienne.
    Il est un peu plus de midi, ce lundi 1 er  février
1943.
    Paulus a capitulé hier soir, dimanche 31 janvier 1943, et
Hitler a aussitôt convoqué cette conférence. Sans doute n’a-t-il pas dormi de
toute la nuit. Son visage est comme boursouflé, gonflé, sa démarche est
hésitante, il parle à bâtons rompus, se répète.
    Voilà trois fois déjà qu’il raconte l’histoire de cette
jolie femme, « une beauté de premier ordre », dit-il, qui, blessée
par quelques mots de son mari, sort de la pièce, écrit des lettres d’adieu et
se tue.
    « Quand je pense, poursuit le Führer, qu’une femme a eu
ce cran, je ne puis éprouver la moindre estime pour un soldat qui n’a pas eu le
courage de se suicider et préfère aller en captivité. »
    Le Feldmarschall Zeitzler murmure :
    « Je trouve cela inconcevable, moi aussi.
    — Paulus avait le devoir de se tuer à l’exemple des
grands chefs de jadis qui, lorsqu’ils voyaient tout perdu, se transperçaient la
poitrine de leur épée. Varus lui-même, après la perte de ses légions, ordonna à
son esclave de l’achever : “Et maintenant, tue-moi !”
    — Paulus gît peut-être quelque part, grièvement blessé »,
dit Zeitzler.
    Le Führer secoue la tête.
    « Non, la nouvelle est exacte. La suite est facile à
imaginer. Paulus va être emmené à Moscou. On va l’emprisonner à la Loubianka où
il sera dévoré par les rats.
    « Les rats, les rats, répète Hitler.
    « Paulus fera tous les aveux qu’on voudra, signera n’importe
quoi, fera des proclamations à la radio, vous verrez. »
    Le Führer marche de long en large.
    « Comment ont-ils pu se montrer aussi lâches… Je n’arrive
pas à comprendre. »
    Il hausse les épaules.
    « Qu’est-ce que la vie ? reprend-il. La vie, c’est
la nation. L’individu est condamné à mourir mais, au-delà de l’individu, il y a
la nation souveraine. Pourquoi redouter la mort puisque grâce à elle nous
pouvons nous libérer de notre misère lorsque notre devoir ne nous tient pas
enchaînés à cette vallée de larmes ! »
    Il serre les poings :
    « Et voilà que le geste de cet homme, Paulus, souille à
la dernière minute l’héroïsme de centaines de milliers d’autres. Alors qu’il
pouvait se délivrer des tristesses de ce monde et entrer dans l’immortalité, il
a préféré aller à Moscou… »
    Tout son visage, cette moue, ce rictus expriment son mépris.
    « Ce qui me fait le plus de mal, personnellement, c’est
de lui avoir donné le bâton de maréchal ! Je tenais à ce qu’il reçoive
cette distinction avant de mourir. Cela prouve qu’il ne faut jamais vendre la
peau de l’ours avant de l’avoir tué. Paulus sera en tout cas le dernier
Feldmarschall que j’aurai nommé tant que durera la guerre ! »
     
    Le
mardi 2 février, dans la soirée, quand les combattants de la partie nord
de Stalingrad ont à leur tour capitulé, la radio allemande diffuse sans
interruption La Marche funèbre de Siegfried , des passages du Crépuscule
des dieux , et, après Wagner, le chant Ich Hatt einen kamaraden  – J’avais un camarade.
     
    Le mercredi 3 février, un roulement de tambour voilé
précède la lecture d’un communiqué spécial du Grand Commandement de la
Wehrmacht, l’OKW :
    « La bataille de Stalingrad a pris fin. Fidèle à son
serment de combattre jusqu’à son dernier souffle, la VI e  armée
sous le commandement exemplaire du maréchal Paulus a succombé sous l’assaut d’un
ennemi supérieur en nombre et en raison de circonstances défavorables
auxquelles elle eut à faire face. »
    Puis on entend le deuxième mouvement de la Cinquième
Symphonie de Beethoven.
    Le Führer a décidé, annonce le speaker, qu’un deuil de
quatre jours sera décrété pendant lequel tous les théâtres, music-halls, cinémas
seront fermés.
     
    L’Allemagne se recroqueville, s’enferme, souffre, pleure, mais
aussi, pour la première fois, murmure.
    Les membres du Parti n’arborent plus leur insigne, renoncent
à se saluer en lançant bras levé le traditionnel Heil Hitler !
    On ose, même avec des inconnus, colporter des rumeurs, et
répéter – signale le service de renseignements de
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