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Victoria

Victoria

Titel: Victoria
Autoren: Joanny Moulin
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équipage.
    Victoire a longtemps hésité avant d’épouser Edward. À 50 ans, le duc de Kent en a dix-neuf de plus qu’elle. C’est un homme robuste et chauve, aux longs favoris teints en noir, ancien colonel des Royal Fusiliers, maréchal à la retraite, férocement autoritaire dans ses fonctions militaires, mais homme du monde plein de tact en société. Edward est le quatrième fils du roi George III.
    Sa réputation n’est guère meilleure que celle de ses quatorze frères et sœurs, aux vies souvent dissolues. La loi de 1772, rendant nul et non avenu tout mariage d’un membre de la famille royale contracté sans le consentement du souverain, a encouragé les débauches des ducs. Edward a su éviter un mariage morganatique qui eût exclu sa descendance de la succession au trône. Il a vécu maritalement à Genève avec une actrice, Adélaïde Dubus, puis pendant vingt-sept ans avec une certaine Thérèse-Bernardine Mongenet de Besançon, qu’il appelle Julie de Saint-Laurent. Il est couvert de dettes. Il a hérité du caractère, peu enviable, des Hanovre de la maison d’Angleterre, réputés colériques et instables parfois jusqu’à la folie. La santé mentale de son père, le roi George III, s’est dégradée à tel point que, depuis 1811, c’est son frère aîné George, le prince de Galles, qui exerce la régence.
    Edward s’était lié d’amitié avec le frère de Victoire, le prince Léopold de Saxe-Cobourg-Saalfeld, dont il avait favorisé le mariage avec sa nièce Charlotte, fille unique du régent et future princesse royale. Léopold, l’inlassable intrigant mondain, excentrique petit homme portant semelles de trois pouces et boas de plumes, dit « Monsieur peu-à-peu », s’était tranquillement conquis un destin de prince consort. Car il avait épousé celle qui devait devenir la reine Charlotte du Royaume-Uni, en ce pays où nulle loi salique n’interdit aux femmes de monter sur le trône.
    Léopold le calculateur souhaitait renforcer ses liens avec la famille royale en mariant sa sœur Victoire avec Edward de Kent, dont aucun des frères qui le précédaient dans la lignée n’avait d’héritier légitime. Le plus jeune d’entre eux, Adolphus, duc de Cambridge, avait déjà plus de 40 ans. Edward avait toutes ses chances de devenir le père et potentiellement le régent d’un futur monarque, si Victoire lui donnait un enfant.
    Victoire avait épousé en premières noces le prince de Leiningen, à qui elle avait donné deux enfants, Charles et Feodora, et qui l’avait laissée veuve en 1814. Son défunt époux, spolié par Napoléon de ses terres héréditaires, avait reçu en compensation la minuscule principauté d’Amorbach et ses quinze mille âmes. Victoire, princesse douairière, en exerçait la régence jusqu’à la majorité de son fils Charles, alors âgé de 10 ans. Il lui fallait composer avec les intrigues des conseillers de feu le prince. Un nouveau mari, issu de surcroît de la famille royale d’un des plus puissants royaumes d’Europe, rendrait bien délicat l’exercice du pouvoir pour elle-même et pour son fils.
    En 1817, les plans de Léopold s’étaient effondrés brutalement : la princesse Charlotte était morte, à l’âge de 21 ans, en mettant au monde un fils mort-né. Le médecin accoucheur, tenu pour responsable du vide ainsi créé dans la lignée de succession, s’était suicidé. Jamais, peut-être, le pays n’avait connu de telles manifestations de chagrin populaire que pour la pauvre Charlotte. Car il semblait que le royaume devrait longtemps être gouverné par l’un après l’autre de ces princes méprisables. Le duc de Wellington disait d’eux, dans son langage de grand soldat, qu’ils étaient « la plus satanée pierre au cou de n’importe quel gouvernement qu’on puisse imaginer ». Car « ils ont insulté ( personnellement insulté) les deux tiers des gentlemen d’Angleterre, et comment s’étonner que ceux-là se vengent d’eux chaque fois qu’ils ont l’occasion de les coincer à la Chambre des communes ? C’est leur seule chance de le faire, et je pense, sacré nom de dieu ! qu’ils ont bien raison de la saisir ».
    La mort de Charlotte lançait les fils du roi dans une chasse aux épouses princières, une course à qui assurerait le premier une descendance légitime à la maison d’Angleterre.
    Léopold, en perdant Charlotte, avait perdu sa destinée royale. Le mariage du duc de Kent avec sa sœur,
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