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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi
Autoren: Jean-Michel Riou
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glisser un chiffon roulé en boule entre les cuisses de l’innocente.
    — Comprime ça ou tu vas te vider.
    Elle obéit, attendant que ses forces reviennent, assez, du moins, pour qu’elle tienne sur ses jambes, parte, son fils dans les bras. C’est une question de minutes, une heure peut-être… Mais la vieille reprend le chiffon, arrachant un gémissement à Marie.
    — Assez ! J’ai besoin de la paillasse. À l’étage, une drôlesse dans ton genre demande à se délivrer de ses péchés. Bouge-toi, sinon…
    Ignorant le mal, elle ne comprend pas cette menace voilée. Du regard, elle supplie pour obtenir un peu de temps. Elle veut effacer la nuit, le passé qui l’a conduite ici. Alors, tout finira. Non, non ! Tout commencera.
    Mais son enfant vivra-t-il si elle ne parvient pas à le nourrir ? Pour veiller sur lui, il reste la mère protectrice du Fils de Dieu ; et de tous ceux qui naîtront aujourd’hui.
    1 - Le placenta.

Chapitre 3
    C E DIMANCHE-CI , le 5 septembre 1638, l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois, située en face du Louvre, est pleine à craquer. Les paroissiens se pressent pour entendre le révérend père Philippe Chamans de La Salle, connu pour exalter les consciences. Les sermons du jésuite sont sévères, le ton glacial, l’opinion tranchée. Selon sa méthode, le pardon s’exerce avec parcimonie et la foi seule efface les fautes. Que l’on ne compte pas sur son ministère pour négocier un arrangement avec le royaume des cieux. L’absolution des péchés s’appuie sur une confession honnête et de rudes pénitences. Car qui ose prétendre que les voies du Seigneur sont impénétrables ? Sa parole est limpide, aussi franche que la main de Moïse tranchant les flots de la mer Rouge. Il y a le Bien et le Mal que le véritable chrétien se doit de séparer lui-même, tel le bon grain de l’ivraie. Le salut est donc une affaire de choix. Aucun saint ne viendra au secours de l’impie. Aucun mystère ne permet de croire que les uns sont élus, les autres condamnés. Dieu, gronde-t-il chaque dimanche pour que les regards se tournent vers le haut de la chaire, punit sans exception ! Pas d’arrangement ! Aucun miracle !
    Pourtant, ce dimanche, Chamans de La Salle espère un miracle et sa voix se mêle au chœur du peuple de Dieu. Debout, assis, agenouillés, mains jointes, partout, dans les cathédrales comme dans les plus humbles chapelles, les fidèles espèrent que la grâce implorée auprès de Marie, protectrice de la France, sera exaucée.
    Depuis bientôt un mois, chacun s’adonne à la dévotion. Trois neuvaines à la suite, soit trois fois neuf jours de recueillement et de prière depuis qu’un ultime signe divin a confirmé que la reine porterait en effet un Dauphin. Ce fil ténu entre le ciel et la terre, cet espoir, vient d’un moine provençal dont l’histoire, authentifiée par la communauté des Augustins, a été transmise au cardinal de La Rochefoucauld. Elle se résume ainsi : au milieu de la nuit, alors qu’il était en prière, ce moine a entendu les cris d’un nouveau-né. Ouvrant sincèrement les yeux, il vit Marie tenant en ses bras un enfant. N’ayez crainte, murmura-t-elle alors d’une voix mélodieuse . Voici le Dauphin que vous attendez et que Dieu envoie à votre royaume. Le moine se crut victime d’une rêverie, mais Marie revint plus tard auprès de lui. Elle se montra alors sans l’enfant et lui demanda de transmettre ce message : que chacun, y compris la reine, s’adonne à la dévotion le temps de trois neuvaines, qu’on s’y consacre sincèrement. En échange de quoi, le moment voulu, un fils viendra.

    — Les trois neuvaines sont passées. Tout a-t-il été accompli ? Avons-nous prié comme il se doit ? Y avons-nous mis notre espoir ? Avons-nous sans répit demandé à Marie son indulgence ?
    De l’index, Chamans de La Salle survole la foule, pointe ici et là, au hasard, mais ne s’arrêtant jamais vraiment. Les manches de son aube ballottent dans l’air, puis, fort de ce bel effet, elles viennent se poser sur la chaire. En bas, nombre baissent les yeux pour ne pas se sentir visés.
    — L’attente prendra-t-elle fin ou avons-nous trahi la confiance de notre protectrice ?
    La pluie martèle les vitraux. La voix grave du prêtre s’envole et résonne sur les piliers de l’église.
    — Plus de deux décennies que nous espérons ce moment…
    Il lève les yeux vers la voûte, marque un silence. Compte-t-il les années qui
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