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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi
Autoren: Jean-Michel Riou
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chéri apparaîtra, tous dévoués, ils joueront un rôle capital, répété en silence. Depuis des semaines, ils campent, sur le qui-vive, comptent les jours, dorment d’un œil dans l’antichambre de la reine, prompts à bondir au premier soupir. Les linges, cent fois lavés, sont pliés, les rôles répartis, ordonnés. Les gestes aident à conjurer le temps, et l’on chuchote, marche à pas doux par crainte d’attirer l’attention du diable. Superstitions ? Ce serait oublier que par le passé la reine fut enceinte, mais qu’une mauvaise chute dans les couloirs sombres du Louvre entraîna une fausse couche.
    Le miracle semble si ténu que, depuis quelques mois, Louis XIII a placé son royaume sous la protection de la très Sainte et Glorieuse Vierge Marie. Le vénérable Olier, fondateur de Saint-Sulpice, use de la haire 2 et du fouet qu’il se donne pour obtenir les faveurs des cieux. Le jésuite Nicolas Caussin entend chaque jour Louis XIII en confession, et tous s’accrochent à la prophétie de Jeanne de Matel, fondatrice de l’Institut du Verbe Incarné, qui annonce la naissance d’un fils. À tout cela s’ajoute la vision d’une jeune carmélite, Marguerite du Saint-Sacrement, ayant reçu de Jésus l’ordre de prier et, qu’ainsi, la reine accoucherait d’un Dauphin. Est-ce possible, est-ce vrai ? Le 15 décembre 1635, Marguerite a affirmé que la reine était grosse. Elle le sait . Pourtant, l’enfant vient seulement d’être conçu. Tant de signes accumulés attisent les plus grands espoirs et augmentent la foi du peuple chrétien. Sur ordre des sévères abbesses, les jeunes filles entrées récemment au couvent coupent leurs belles chevelures, offrande au Tout-Puissant, et psalmodient de l’aube jusqu’aux vêpres, suppliant Marie, mère de toutes les mères, de veiller sur celui qui va naître comme elle le fit sur le fils unique du royaume des cieux.
    Ces incantations, même les plus sincères, suffiront-elles pour que l’enfant vive, qu’il soit fort, résiste aux sournoiseries de la nature ? Sa santé sera-t-elle aussi fragile que celle de son royal père ? Ce dernier souffre des entrailles, et ce, de mal en pis, se tord de douleurs, se vide d’un sang noir, épais, qui laisse indécis son médecin, Charles Bouvard 3 . Devant tant de mystère, on multiplie les saignées, pas moins de douze cette année. On y ajoute les purges et les lavements, parfois deux fois le jour. Rien n’y fait, sans qu’il soit possible de savoir si le remède n’est pas cause du mal. Ou l’aggrave. Il faudrait un fils. Bientôt, il sera trop tard et Marie, Mère de Dieu, manne des hommes, source de fécondité et d’amour, est encore appelée. Un enfant, oui. Mais sera-ce un fils ? Aujourd’hui, peut-être, on le saura enfin. Sinon, il faudra encore attendre sous cette pluie battante qui apporte le froid et semble précéder la mort.
    Même les intrigants, au premier rang desquels figure Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse, connue pour détester le roi, accusée d’être responsable de cette maudite chute qui mit fin en son temps à la grossesse de la reine, se signent, s’agenouillent, implorent, comme ce roi pieux, Louis XIII, qui a composé son propre livre de prières. Un enfant, enfin. Un fils, par pitié. Du plus humble au plus grand, les Parisiens font de même, retenant leur souffle, conspuant ce mauvais temps, écho des pires prédictions. Ce matin encore, les commerçants ouvriront tard, les marchands ambulants, bouchers, fripiers, vanniers, rempailleurs, feront peu entendre leurs boniments bien qu’il s’agisse d’un dimanche, jour de grâce et de repos qui pousse d’habitude les paroissiens à sortir de chez eux, à se joindre à la messe afin d’adorer le Seigneur tandis que les moins fervents adressent des œillades amoureuses aux jeunes paroissiennes. Mais, aujourd’hui, le cœur ne songe pas à la gaudriole. On se rendra à l’église, implorant, suppliant, dans l’espoir que vienne ce fils de roi qui se fait tant désirer. L’humeur est détestable comme cet air corrompu et pourri qui décourage les âmes, tue le bétail, gâte les récoltes, ruine davantage l’indigent. Le chaland compte ses sous, le commerce bat de l’aile, les prix montent, le pain d’hier était gorgé d’eau, infesté de blattes, les commères n’en veulent pas et filent, sans même clabauder, le cabas vide. D’ailleurs, il est trop tôt pour qu’une honnête femme montre le bout du nez.
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