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Tsippora

Tsippora

Titel: Tsippora
Autoren: Halter,Marek
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prévenir les bergers.
    — Qu’ils préparent nos chameaux et
ce qu’il faut pour le voyage. Demain à l’aube nous prendrons la route pour
Madiân.
    Moïse n’a pas protesté. En vérité, il
n’a pas même osé me regarder.
    Il a pris ses fils dans ses bras et les
a gardés longtemps, tout étonnés d’être ainsi tenus par leur père.
    Plus tard dans la nuit, ses caresses
n’étaient déjà plus celles que j’avais connues. C’était moi qui partais,
pourtant Moïse s’était déjà éloigné de moi comme celui qui s’écarte pour un
long voyage.
    Au moment de l’adieu, il n’y eut que
Yokéved et Josué à avoir les yeux brillants.
    Deux jours durant, je n’ai pas ouvert la
bouche. L’aurais-je pu, je me serais abstenue de respirer. Aurais-je eu la peau
claire, tout le monde aurait vu la rougeur de mon humiliation. J’étais devenue
Tsippora, l’épouse écartée.
    Deux jours terribles.
    Puis, alors que nous longions le Fleuve
Itérou en direction du nord, j’entendis mon nom hélé depuis une barque. Les
voiles gonflées encombraient le fleuve. Je ne le vis pas tout de suite.
Josué ! Josué qui agitait les bras en riant.
    Un instant plus tard il était devant
moi, tout agité :
    — Je comptais bien te
rattraper ! Je me suis jeté dans une barque dès que j’ai pu. C’est que les
bateaux vont beaucoup plus vite que les bidets et les mules !
    — Et pourquoi te jeter dans une
barque ? Veux-tu déjà fuir l’Égypte et connaître Madiân ?
    Ma voix était plus aigre et plus
moqueuse que je ne le voulais. Mais Josué riait sans y prendre garde, me
pétrissant les mains.
    — Yhwh est revenu devant
Moïse ! Dès hier. Yhwh lui a parlé ! Il a dit : « Tu vas voir ce que Je vais faire à Pharaon ! Il va
endurer, le roi d’Égypte, mais Ma main sera la plus forte ! Il en aura
assez, il expulsera Mon peuple, il ne voudra plus en entendre parler ! Je
vous ferai venir dans le pays où J’ai levé la main pour le donner à Abraham,
Isaac et Jacob ! Tu verras, Je vais rendre inflexible le cœur de Pharaon
et Je multiplierai Mes signes et Mes prodiges ! »
    Josué tressautait de joie. Avait-il
conscience de la gifle qu’il m’infligeait ?
    Bien sûr, je ne pouvais que me réjouir.
Au moins, le Seigneur Yhwh ne laissait pas Moïse dans le tourment !
    Mais, en l’écoutant, comme mon cœur me
pesait dans la poitrine ! À peine avais-je tourné le dos que Yhwh se
faisait entendre de mon époux ! Était-ce une leçon qu’il me donnait parce
que je n’avais pas cru avec une absolue sincérité au bienfait de mon
départ ? Voulait-Il souligner la juste raison de Miryam ?
    Disait-il, lui aussi : « Ah !
Débarrassons-nous de cette Kouchite » ?
    Les larmes me montaient aux yeux. Josué
devina ce qui me tourmentait.
    — Non, non ! Tu te trompes.
J’en suis certain.
    Il m’embrassa, me cajola avec toute la
vigueur de son enthousiasme.
    — Moïse va nous conduire. Les vieux
ne vont plus douter de lui. Et tu le reverras. Je le sais. Nous aussi nous nous
reverrons. Je le sais aussi bien que si cela était écrit dans ces nuages.
    Il pointa le doigt vers une longue barre
de vapeur qui surplombait l’horizon du nord. Je voulus rire avec lui.
    — Sais-tu au moins lire les
écritures ? me moquai-je.
    — Parfaitement ! Lire et
écrire ! Presque aussi bien que Aaron. Et pas les écritures de Pharaon,
celles de nos anciens.
    — Alors sois précieux à Moïse,
murmurai-je en l’embrassant une dernière fois. Veille sur lui, aime le et ne
laisse pas Aaron être le seul à l’instruire.
    *
    *   *
    Les pluies d’hiver commençaient à peine
lorsque je revis les murets blanchis du puits d’irmna.
    Alors que durant tout le long trajet
depuis l’Égypte j’avais remâché ma tristesse, la seule vue du mur de briques
crues qui entourait la cour de mon père fut une caresse. Le bonheur de rentrer
à la maison m’apaisa. Je serrai Eliezer et Gershom contre moi en leur
murmurant :
    — Nous voilà de retour !
    Gershom, qui commençait à poser des noms
sur les choses, reconnut le grand sycomore de la route d’Epha en riant, et
Eliezer battit des mains devant les enclos des mules, des biquettes et de
béliers.
    Certes, il n’y avait rien ici des
splendeurs de l’Égypte. Le vert des oasis n’était qu’une tache dans l’immensité
du désert, tandis que les rives verdoyantes du Fleuve Itérou formaient un
horizon d’un bout à l’autre de la terre. Mais, ici,
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