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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand
Autoren: Gary Jennings
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voudrai conserver. Il pourrait faire de même pour
toi. Serais-tu prête à me suivre ?
    — Où cela ? À Ravenne ?
    — D’abord à Ravenne, oui. Ensuite, si je ne suis pas
sommairement exécuté au cours de mon audience avec Théodoric, j’ai pensé que
nous pourrions retourner à Haustaths, où nous nous sommes connus. Ce doit être
charmant, en plein été. Et je suis curieux de voir si nos noms gravés dans la
rivière de glace ont bougé de l’endroit où nous les avions laissés.
    Livia rit, mais très gentiment.
    — Nous sommes devenus deux vieux croulants, cher Thorn.
Tu nous vois en train de batifoler sur un eisflodus, sur les hauteurs du
Toit de Pierre ?
    — Peut-être les noms seront-ils descendus à notre rencontre…
Je parle sérieusement, Livia, cela fait longtemps que j’ai envie de revoir la
Vallée aux Échos. Plus j’y songe, plus les bons souvenirs remontent et plus je
m’y vois finir mes jours. Je crois aussi que j’aimerais avoir ta douce épaule
près de moi jusqu’au bout. Et toi ? Que dis-tu de tout cela ?
    — Qui me pose cette question ? Thorn ou
Veleda ?
    — C’est le Saio Thorn, avec son escorte de
maréchal, qui t’accompagnera avec ta servante jusqu’à Ravenne. Ensuite, lorsque
j’en aurai terminé avec ce que je compte y faire, Thorn disparaîtra. Ce sera
Veleda, sans aucune escorte, qui te tiendra compagnie jusqu’à la Vallée aux
Échos. À partir de là… toi et moi… eh bien… (Je lui ouvris en grand les bras.)
Nous sommes vieux et nous sommes amis. Nous serons de vieux amis.

 
40
    L’avant-dernière parole que m’adressa Théodoric fut la
suivante, d’un ton profondément mélancolique :
    — Souviens-toi, mon vieux Thorn. Partout où nous sommes
arrivés pour détruire, nous avons réussi au-delà de nos espérances. Partout où
nous avons au contraire cherché à construire, à préserver et à glorifier, nous
avons totalement échoué.
    — Pas totalement, Théodoric, pas encore. Et même si un
échec devait marquer le bout du chemin, ce n’est pas rien que d’avoir noblement
essayé.
    J’aurais pu pleurer pour lui tant il avait l’air pitoyable,
ravagé et frêle, malheureux et au bord du désespoir. Mais il m’avait reconnu,
au moins ; il avait toute sa tête. Aussi continuai-je :
    — Parlons de sujets moins sérieux. Une de mes amies m’a
suggéré que ces dernières années que tu as endurées, Théodoric, auraient pu
être plus douces, plus heureuses, plus épanouissantes sans doute, si tu n’avais
pas été privé de la charmante présence d’Audoflède… sans aucune femme de bonne
compagnie pour la remplacer. La Bible elle-même, dès ses premières pages,
recommande la femme comme un soutien efficace pour l’homme. Il pourrait t’être
profitable que ta main soit tenue par une autre, douce, féminine et aimante. Tu
pourrais ainsi demain te tenir plus droit et plus solide. Je pense que cette
réconfortante chaleur te protégerait des tempêtes et de tous les dangers.
    Le regard absent de Théodoric était passé de la surprise au
doute, puis du doute à la réflexion, qui contractait à présent son visage. Je
m’éclaircis la voix et poursuivis :
    — Cette amie dont je te parle est une vieille femme
nommée Veleda. Son nom révèle suffisamment son origine ostrogothe, tu peux donc
lui faire confiance ; et je puis t’assurer que comme l’indique son
nom – la prophétesse légendaire, celle qui perce à jour les secrets –
c’est une femme d’une grande sagesse, en vérité.
    Le roi manifestant soudain quelque inquiétude, je me hâtai
d’ajouter :
    —  Ne, ne, Veleda ne se propose pas elle-même en
tant que compagne de tes vieux jours, je te rassure. Ni allis. Elle est
aussi âgée et décrépite que moi. Quand Veleda m’a soumis son idée, elle a fait
référence à la Bible, elle aussi… Le passage où est évoqué un autre roi, David,
alors qu’il était d’un âge mûr. Ses serviteurs dirent : « Cherchons
pour notre seigneur une jeune vierge, et qu’elle se tienne devant lui, qu’elle
le chérisse et dorme contre son sein, afin de réchauffer notre seigneur le
roi. » Aussi se mirent-ils en quête, et lorsqu’ils l’eurent trouvée, la
lui amenèrent. Cette jeune fille était d’une beauté éblouissante.
    Théodoric semblait à présent presque aussi réjoui que je
l’avais connu il y a bien longtemps, aussi me pressai-je de conclure :
    — Il se trouve que mon amie Veleda
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