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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable
Autoren: Michel de Decker
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lors, ayant en poche ses lettres de créance et son passeport signé, il allait pouvoir partir en règle, ironisa une mauvaise langue du temps.
     
    Dans la matinée, alors qu’il respirait à peine, le roi Louis-Philippe accompagné de sa soeur, madame Adélaïde, a fait irruption dans sa chambre. Informés que les heures du vieux Talley étaient très comptées, l’un et l’autre avaient jailli des Tuileries. Ils voulaient le voir une dernière fois.
    Le spectacle du quasi-cadavre sur son lit, et l’odeur de charogne qui commençait de régner dans la chambre firent blêmir le roi des Français. Il trouva seulement la force de bredouiller :
    — Je suis fâché, Prince, de vous savoir si souffrant.
    — Sire, vous êtes venu assister aux derniers moments d’un mourant. C’est un grand honneur que le roi fait à cette maison que d’y venir aujourd’hui.
    Le pied dans la tombe, il conservait sa grande classe, sa dignité.
    À tel point même que, si sous le drap – le linceul, déjà ! – le spectacle touchait à l’abomination, sur les oreillers la tête demeurait impressionnante de majesté.
    Poudrée, coiffée, immuable, la tête d’un grand chambellan.
    — Si ce diable d’homme avait pu négocier avec la mort, elle ne l’aurait pas emporté au paradis, aurait lancé Louis-Philippe bouleversé en quittant l’hôtel de la rue Saint-Florentin.
    — Oui, lui répondit un de ses proches, et jamais on ne comprendra le sacrifice, l’effort immense qu’il a dû faire pour effacer d’un trait de plume sa vie entière.
    C’était évidemment pour cette raison qu’il avait tant tardé à courber l’échine sous les fourches caudines de Dupanloup.
    Le moment venu, il se confessa. Cette affaire-là étant secrète par excellence, il est impossible d’en dire le moindre mot.
    À la suite de quoi il reçut les derniers sacrements.
    La jolie Pauline, qui assistait aux ultimes instants terrestres de son oncle – ou de son père ? –, s’est souvenue de la scène :
    — Au moment où l’abbé Dupanloup allait procéder à l’onction des mains, il les ferma, tendit le poing au lieu de présenter la paume en disant : « N’oubliez pas, monsieur l’abbé, que je suis évêque. »
    Près d’un demi-siècle plus tôt, on le sait, il avait reçu l’onction épiscopale sur la paume de ses mains.
    Il aura donc argumenté jusqu’à son dernier souffle...
    Après-midi du 17 mai de 1838, il peut être quatre heures moins dix minutes.
    — À mesure que ses forces l’abandonnaient, sa pauvre tête n’ayant aucun soutien tombait tantôt en avant, tantôt à droite, tantôt à gauche, continue Pauline. Monsieur de Bacourt, l’abbé Dupanloup, le valet de chambre le soutenaient alternativement et c’est ainsi qu’il rendit le dernier soupir... Lorsque le médecin déclara qu’il n’existait plus, nous embrassâmes sa main déjà toute glacée.
    Cette main qui avait été celle d’un évêque d’Autun, d’un député aux États généraux, d’un ministre des Relations extérieures du Directoire et du Consulat, de l’Empire et de la Restauration ; la main d’un grand chambellan, d’une Excellence, d’un prince de Bénévent, d’un vice-Grand Électeur de l’Empire et d’un président du gouvernement provisoire de 1814 ; la main du représentant de Louis XVIII au congrès de Vienne, du prince de Talleyrand-Périgord, président du Conseil et ambassadeur du roi Louis-Philippe à Londres.
    La main du chef d’orchestre de la politique européenne, pour tout dire.
    Une main qui avait caressé tant de jolies femmes, aussi.
    La main de l’homme au pied bot, la main du Diable... boiteux.

Chapitre dix-neuf
    La barrière d’enfer
    On peut imaginer que l’arrivée au paradis de l’évêque d’Autun – car nous irons tous au paradis, même lui ! – ne passa pas inaperçue.
    Dans un premier temps, il fut prié de se présenter au bureau de Dieu le Père.
    Rapport aux contentieux.
    Au fond de l’antichambre du palais céleste, il aperçut Pie VII qui ricanait.
    Ce qui était peut-être de mauvais augure.
    Et puis on le fit attendre très longtemps, presque une éternité !
    Mais n’ayant jamais su courir, il avait appris à être patient.
    Alors, comme ça, comme pour tuer le temps, il se pencha vers la terre et il vit.
    Il vit qu’après une veillée funèbre durant laquelle son maître d’hôtel et tous ses marmitons de blanc vêtus, portant couteau à la ceinture, étaient
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