Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable
Autoren: Michel de Decker
Vom Netzwerk:
Louis-Philippe en se retrouvant sans président du Conseil !
    Alors, par qui le remplacer ?
    Et pourquoi pas par le cher et vieux prince de Talleyrand ?
    — Non, refuse ce dernier, j’ai été sur la brèche nuit et jour, il faut maintenant que je pense à mes jambes et à mes yeux, que je me couche de bonne heure, que je ne mange que le nécessaire et que je ne sois plus appelé à prononcer une parole d’un intérêt quelconque.
    Ici, il se demandait l’impossible.
    Car, que ce fût à Bourbon-l’Archambault où il retourna se rincer le gosier et se tremper l’infirmité, que ce fût à Rochecotte où il était « non seulement avec madame de Dino, mais aussi chez elle, ce qui était pour lui une douceur de plus », que ce fût à Valençay ou à Saint-Florentin, il ne put jamais s’empêcher, le moment venu, de laisser tomber une réflexion pointue, un aphorisme.
    On pourrait imaginer un florilège de ses reparties ou de ses bons mots.
    On y trouverait sans doute quelques sévères coups de pied bot du genre :
    — Leibniz est un homme qui excelle à mettre de l’encre noire sur du drap noir.
    Ou :
    — Apprenez que la parole a été donnée à l’homme pour dissimuler sa pensée.
    — La politique est un étang où les brochets font courir les carpes.
    Ou :
    — La politique a toujours été et sera toujours une certaine façon d’agiter les hommes avant de s’en servir.
    — Il faut qu’une Constitution soit courte et obscure.
    — Il y a une arme plus terrible que la calomnie, c’est la vérité.
    — L’homme est une intelligence contrariée par des organes.
    Ou bien :
    — Les financiers ne font bien leurs affaires que quand les États les font mal.
    — Quand le peuple est roi, la populace est reine.
    — Un ministère qu’on soutient est un ministère qui tombe.
    Ou encore :
    — Avec du temps et de la patience la feuille du mûrier devient satin.
    Ou enfin :
    — C’est une si belle chose que le mariage qu’il faut y songer toute sa vie...
    En ce qui le concernait, entré dans l’arrière-saison de sa vie, il y avait déjà bien longtemps qu’il ne songeait plus à son épouse. Il lui versait une honorable pension de trente mille francs, voilà tout, mais à condition qu’elle ne fît plus parler d’elle. Ce petit refrain satirique courait alors dans Paris, associant Charles Maurice à Chateaubriand, qui lui non plus ne pouvait supporter sa compagne légitime.
    Au diable soient les moeurs, gémit Chateaubriand,
    Il faut auprès de moi que ma femme revienne.
    Je rends grâces aux moeurs, réplique Talleyrand,
    Puisque je puis enfin répudier la mienne !
    Reléguée à Pont-de-Sains, Kelly ne s’y attarda pas. La maison était trop petite et les visites trop rares. Tant pis pour ce que dirait son mari, elle décida alors de rentrer à Paris où elle loua d’abord une villa à Auteuil et ensuite un petit hôtel particulier rue de Bourbon.
    Grand seigneur, Charles Maurice toléra ce rapprochement géographique à condition toutefois qu’elle ne cherchât jamais à le revoir.
    Ce qu’elle fit docilement.
    Les rares amis qui venaient encore la saluer racontent qu’elle vivait en recluse dans le souvenir du grand homme qui l’avait épousée quand elle était « une belle Indienne » au corps souple. Mais il y avait si longtemps, mon Dieu ! Aujourd’hui elle était devenue obèse et bouffie.
    — Le fauteuil à haut dossier, le tapis devant la cheminée, le coussin brodé placé sous ses pieds, le mouchoir de linon ou la tabatière qu’elle tenait à la main, tout lui rappelait la saison des amours, observe un de ses visiteurs.
    Et un autre d’ajouter :
    — Dans un coin du salon se trouvait une cage où dormait un couple de loirs blancs. Cette cage était la reproduction du château de Valençay, avec ses tours et son donjon.
    Valençay où elle avait tout de même découvert les charmes d’une certaine Espagne...
    Un matin du début de décembre de 1835, Kelly refusa de se lever. Georgine de Preissac d’Esclignac, la fille de Boson, le frère de Charles Maurice, courut avertir monseigneur de Quélen, archevêque de Paris.
    — Ma tante réclame un prêtre !
    Quélen la confessa, elle demanda pardon pour les scandales qu’elle avait pu causer et, le 10 décembre, elle mourut. Kelly était âgée de soixante-treize ans.
    Prétextant une crise de palpitations, Talleyrand n’assista pas à son enterrement, au cimetière du Montparnasse. Il se
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher