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Suite italienne

Suite italienne

Titel: Suite italienne
Autoren: Juliette Benzoni
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s’habiller de deuil, et cela lui convenait. Sa blondeur frêle y devenait plus touchante encore, sa peau claire plus diaphane, ses jolis yeux bleus plus doux. Mais à cette minute, elle oubliait son chagrin, heureuse de l’admiration que ne lui ménageaient pas les yeux de Perrotto.
    — Eh bien, s’impatienta-t-elle gentiment. Quelles nouvelles ?
    — Il n’y a pas de nouvelles, Madona.
    — Vraiment ? Alors pourquoi viens-tu ?
    Le jeune homme baissa la tête.
    — Pour vous voir… seulement pour vous voir. Depuis que vous êtes partie, depuis que vous vous cachez dans ce couvent, il n’y a plus de soleil dans Rome, plus de lumière au palais. Pardonnez-moi ! Il fallait que je vous le dise.
    Si, depuis deux mois, Lucrèce avait fui le Vatican pour enterrer ses dix-sept ans dans ce couvent San Sisto qui avait été celui de son enfance, ce n’était pas avec l’intention d’y pleurer la mort de son frère, mais de s’enfermer avec ses chagrins et de fuir le scandale d’un procès en nullité de mariage.
    Quatre ans plus tôt – elle avait alors treize ans –, son père l’avait mariée, sans lui demander son avis d’ailleurs, à l’un de ses condottieri, Jean Sforza, seigneur de Pesaro, qui avait le double de son âge. Depuis, le mariage avait cessé d’être profitable aux Borgia pour plusieurs raisons, la meilleure étant que les Sforza, maîtres de Milan, n’avaient pas apporté au pape toute l’aide qu’il souhaitait lors de la récente incursion en Italie des Français du roi Charles VIII. En outre, leur étoile pâlissait à Milan. Enfin, Sa Sainteté et son fils César souhaitaient joindre Pesaro, la ville du jeune homme, aux États pontificaux.
    Partisan des moyens simples, César avait d’abord tenté de faire assassiner Sforza ; mais prévenu par sa femme indignée, le mari avait réussi à s’échapper. Alors, on avait trouvé mieux : le procès en nullité. Cause : l’impuissance du mari.
    Après quatre ans de mariage, et aussi les quelques histoires de femmes que Sforza avait eues à Rome, ce procès faisait sourire car la réputation des Borgia était déjà bien établie et il n’était personne chez leurs nombreux ennemis qui ne se plût à répéter que l’on allait essayer de faire passer pour vierge « la plus grande putain de Rome »… ce qui était fort exagéré.
    Et Lucrèce, pour fuir le ridicule, le scandale et la boue, était venue s’enfermer à San Sisto. Est-ce qu’après avoir réclamé le droit de faire devant ses juges la preuve de sa virilité, Jean Sforza pris de peur n’avait pas envoyé, depuis Milan, une lettre déclarant qu’il n’avait jamais consommé son mariage pour la bonne raison qu’il était impuissant… ce qui était tout aussi exagéré ?
    Depuis ce jour, la jeune femme, humiliée, refusait farouchement de quitter le couvent. Elle avait même fait repousser une attaque en règle des gardes envoyés par son père pour la ramener de force au Vatican. Peut-être parce qu’elle avait peur à présent, et qu’elle ne savait plus très bien de quelle nature étaient les sentiments que lui inspiraient le pape et César : de l’affection, de la crainte… ou du dégoût ? Peut-être aussi parce que l’un et l’autre l’aimaient trop… beaucoup trop, et d’une façon un peu trop équivoque pour un père et un frère.
    Que leur politique leur fît considérer son mariage avec Sforza comme sans intérêt à présent était une chose, mais qu’elle acceptât, à cause de cette politique, d’affronter les regards, les sourires entendus, les chuchotements, en était une autre. Elle n’avait jamais aimé Sforza, qui n’était ni beau ni amusant et, jusqu’alors, avait considéré son père et ses frères comme ce qu’il y avait de plus merveilleux au monde, mais elle gardait un sens étrange de sa dignité et cette dignité était blessée.
    — Je ne quitterai San Sisto que lorsque je pourrai le faire la tête haute ! avait-elle fait répondre aux divers envoyés du pape.
    Aussi, ce soir, considérait-elle avec curiosité le visage ardent de Perrotto. Que croire ? Qu’il l’aimait vraiment ? Au point d’oser cette folie de venir le lui dire au fond d’un couvent ? Ou bien qu’il s’agissait là d’une ruse pour lui rappeler les joies que le monde réserve à une jeune femme très belle et la ramener pieds et poings liés au Vatican ?
    Elle n’hésita pas longtemps. Pedro Caldès était beau, jeune, ardent,
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